On avait entendu parler du projet de décret du Ministre régional de l’Environnement, Carlo Di Antonio (cdH), visant à bouter hors de Wallonie les véhicules les plus polluants à l’horizon 2030. Une mesure plutôt ambitieuse — et radicale — dont les premiers effets se seraient produits dès le 1er janvier 2023 (voir plus loin). Et bien, ne considérez plus la chose comme conditionnelle : le Parlement wallon a avalisé le projet de décret le 15 janvier 2019 qui devient donc une réalité. Parallèlement à cette mesure, le décret fixe aussi un cadre et donne les outils aux communes wallonnes pour instaurer de leur propre chef, de manière permanente ou ponctuelle, une ou plusieurs LEZ sur leur territoire. Les collectivités seront donc libres de mettre en place des restrictions de circulation, par exemple lorsque les pics de pollution sont dépassés. Certaines zones pourront aussi être fermées à la circulation de manière définitive, si la demande est reçue par le gouvernement wallon.
De son côté, la Wallonie s’octroie aussi le droit de décréter toute la Région comme une zone de « basses émissions ». Cette application serait effective lorsque les seuils d’alerte sont atteints ou que des pics de pollution sont dépassés. Notons que, en dehors des outils donnés aux villes et communes, la Wallonie ne fait ici que s’octroyer un droit que la Région bruxelloise exerce depuis 2017.
Quelles voitures interdites ?
Le cadre des zones de « basses émissions » vise vraisemblablement à supporter les autres mesures prévues par le ministre Di Antonio, en particulier l’interdiction progressive de circulation des voitures les plus polluantes en Wallonie à partir du 1er janvier 2023. Dans le détail, l’interdiction sera étendue selon le calendrier suivant et elle s’appliquera à tous les véhicules, wallons, belges ou étrangers :
- 1er janvier 2023 : tous les véhicules sans libellé Euro et tous les Euro 1 (essence, Diesel, LPG, CNG)
- 1er janvier 2024 : tous les Euro 2 (essence, Diesel, LPG, CNG)
- 1er janvier 2025 : tous les Euro 3 (essence, Diesel, LPG, CNG)
- 1er janvier 2026 : tous les Euro 4 (essence, Diesel, LPG, CNG)
- 1er janvier 2028 : tous Diesel les Euro 5
- 1er janvier 2030 : tous les Diesel Euro 6 jusque Euro 6d-Temp
A partir de 2030, les seuls véhicules autorisés seront donc les Euro 5 et 6 essence, LPG et CNG ainsi que les Euro 6d-Temp, Euro 6d ou Euro 7 Diesel. Il va de soi qu’avec cette mesure, le marché de l’occasion et du neuf vont encore connaître pas mal de perturbations et surtout pour les Diesel. Ce qui n’est pas tout à fait logique si on pousse le raisonnement. Loin de nous l’idée de défendre le Diesel qui est intrinsèquement plus polluant que l’essence comme nous l’avons déjà explicité. Mais justement : depuis qu’il carbure à l’injection directe (comme le Diesel), le moteur à essence produit aussi des particules ultrafines et des oxydes d’azote (NOx). Du coup, tout aussi ambitieux soit-il, ce nouveau décret manque aussi singulièrement de logique.
Des exceptions
Une série d’exceptions existent toutefois pour ces limites de circulation. Les interdictions ne s’appliqueront pas aux véhicules d’urgence, d’assistance, aux engins militaires ainsi qu’aux véhicules qui n’effectuent pas plus de 3000 km par an. Voilà de quoi rassurer les possesseurs de voitures de collection ou autres Youngtimers. Enfin, les véhicules acquis avant le 1er janvier 2019 et qui répondent au moins à l’Euro 4 auront droit à une dérogation de circulation, mais dont la durée doit encore être fixée par le gouvernement wallon.
Exceptions dans les LEZ
Au sein des zones de basses émissions, il y aura aussi des exceptions. Elles concernent bien évidemment tous les véhicules d’urgence et, plus intéressant pour les particuliers, les véhicules Diesel Euro 4 et les essence, LPG et CNG Euro 2 jusqu’au 1er janvier 2022. À partir de cette date, ne seront plus admis que les Diesel Euro 5 et les essence, LPG et CNG Euro 3 jusqu’au 1er janvier 2025. Et après ? Seuls les Diesel Euro 6 et les essence, LPG ou CNG Euro 4 seront autorisés, mais pour une courte période puisque ces derniers seront déjà bannis au 1er janvier 2026. Ce qui ne fait qu’une toute petite année de répit.
Quid des hybrides ?
Il faudra encore attendre quelques mois les décisions de la Commission Fiscalité, Énergie et Climat pour éventuellement voir les taxes chuter sur les véhicules hybrides. En revanche, ceux qui auraient compté sur ces motorisations plus vertes pour assurer leur liberté de circulation tous azimuts seront déçus. Pour ne pas dire en colère. Car l’autorisation de circulation dans les zones de basses émissions ne concerne que les électriques, les voitures à l’hydrogène et les hybrides émettant… moins de 50 g/km ! Traduction : seules les hybrides rechargeables seront admises au cœur de ces zones. On peut se poser à nouveau la question de la justesse de la mesure.
Premièrement, il semble évident que cette mesure est socialement peu équitable puisqu’il s’agit des hybrides les plus chères. Sur le marché du neuf, il faut en effet compter autour des 35.000 € pour la plus modeste d’entre elles.
En deuxième lieu, on peut se poser la question du contrôle du respect de la mesure. Certes, le Ministère indique qu’il fera installer des scanners de plaques minéralogiques (caméras ANPR), mais il se peut que le conducteur d’une hybride rechargeable arrive en ville avec les batteries vides et qu’il évolue donc sur le moteur thermique. Ce qui, en dehors de contrôles drastiques et manuels, met sérieusement en doute l’efficacité de la démarche in fine.
Troisièmement et enfin, le coût global (production, utilisation, recyclage) pour la planète d’une hybride rechargeable est définitivement plus lourd que celui d’un véhicule 100 % thermique ou 100 % électrique. Les chiffres 2018 publiés par l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie en France (ADEME) démontrent qu’une voiture électrique émet 26 tonnes de CO2 au cours de son cycle de vie complet contre 46 tonnes de CO2 à une 100 % thermique – pour autant que l’énergie injectée dans la batterie ne soit pas issue d’une centrale au charbon évidemment. Mais comme l’hybride rechargeable ne fait qu’additionner les deux… Encore une fois, le décret sur les LEZ part d’une bonne intention : celle de protéger la santé publique. Mais il semble toutefois qu’un inventaire objectif des rejets propres à chaque technologie aurait du être mené.
Levée inattendue de bouclier
Si on n’en parle pas encore beaucoup, il est clair que ce décret va faire du bruit dans les mois qui viennent. Son vote au Parlement a rassemblé une majorité, mais le PS et le parti Écolo se sont abstenus. Le PS a motivé son abstention parce qu’il estime que ce système créera des inégalités sociales et qu’il faudrait alors prévoir des mesures de soutien au citoyen. On comprend la position du parti Socialiste, mais est-ce la bonne idée ? Pas sûr, car, rappelons-nous que les importants subsides octroyés aux véhicules Diesel il y a quelques années n’étaient finalement qu’une grosse erreur.
Écolo aussi
L’abstention du parti Écolo est par contre des plus surprenantes. Philippe Henry (Écolo) a toutefois justifié cette position. Il a expliqué que ce dispositif ne permettait pas « de changer de paradigme » et « de travailler sur la réduction des kilomètres parcourus en voiture, comme il le faudrait pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre ». En outre, Philippe Henry pointe « un décret déconnecté en l’absence de réforme de la fiscalité automobile ». Car, comme nous vous en parlions, une Commission parlementaire est actuellement chargée de faire des propositions autour d’une nouvelle fiscalité automobile et elle a même l’ambition louable d’aller plus loin en imaginant la mobilité de demain.
Ce qui sera sans doute nécessaire à l’heure où des hordes de jeunes déferlent dans les rues chaque semaine pour crier leur colère et leur volonté d’une société plus respectueuse de leur avenir. Franchement, qui pourra leur reprocher ? Il faudra donc rapidement prendre de décisions fortes, mais aussi coordonnées. Or ici, Carlo Di Antonio n’a fait qu’agir dans son coin, sans la moindre once de concertation et sans imaginer de réelles alternatives pour modifier les comportements individuels.
Quoi qu’il en soit, le Wallon — et les Belges en général — devra composer avec ce nouveau décret. À moins que des amendements soient apportés par la prochaine législature. Ça reste possible. Mais en l’état, c’est à nouveau une impression de désorganisation totale qui plane. D’autant que d’ici les premières échéances wallonnes, les autres régions du pays auront certainement édicté leurs propres règles, ce qui complexifiera un climat déjà devenu difficilement compréhensible. Et vivable.
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