Jim Rowan est le nouveau patron de Volvo. Entré en fonction en septembre 2022, nous l’avons rencontré à l’occasion de la présentation du nouveau porte-drapeau de la marque : le Volvo EX90. L’occasion pour nous de l’interroger sur les thématiques importantes de la marque suédoise, telles que la sécurité, le tout électrique ou le positionnement du constructeur au sein de la « galaxie Geely ».
En 2020, Volvo ambitionnait que plus personne ne soit tué dans une Volvo d’ici 2025. Pensez-vous que le nouveau EX90 est le modèle qui vous permettra d’atteindre cet objectif ?
Il s’agissait là d’une noble et grande ambition et je pense qu’aujourd’hui, deux ans plus tard, nous sommes bien plus proche d’un tel accomplissement. Avec le nouveau EX90 et sa combinaison inédite de radars, lidar et caméras, nous devrions pouvoir réduire les accidents mortels ou induisant des dommages physiques d’au moins 20 %, voire davantage. Cela s’explique en grande partie par la capacité du lidar à « voir » jusqu’à une distance de 250 m, même dans l’obscurité complète. Or, malheureusement, une grande partie des accidents graves ont lieu de nuit, généralement parce que l’on est moins éveillé, moins concentré et que nos réflexes sont amoindris. Et trop souvent le moment où l’on voit l’obstacle alors que l’on évolue à haute vitesse est déjà trop tardif pour pouvoir freiner efficacement et éviter la collision. C’est là, entre autres, que le lidar prend tout sens et peut améliorer grandement la sécurité.
Pensez-vous que l’objectif « 0 mort en Volvo » soit réaliste ?
Très honnêtement, j’ignore si un tel résultat est possible. Mais je suis ingénieur et issu de l’industrie technologique et je sais que du « silicone au hardware » (comprenez du processeur au matériel physique), le principal frein à une efficacité optimale tient au fait que l’on sous-traite l’une ou l’autre partie. Très souvent la partie processeur et logicielle est réalisée et développée par un partenaire externe. Du coup, vous pouvez connecter ce logiciel à votre équipement mais sans réellement comprendre à 100 % le fonctionnement du programme.
Chez Volvo, nous achetons, par exemple, le processeur à Nvidia et l’application (le lidar) à Luminar, mais nous écrivons le logiciel qui les exploite. Nous sommes convaincus que la seule manière d’aborder efficacement la nouvelle mobilité et d’améliorer la sécurité est de comprendre la technologie des processeurs (silicone) et des logiciels. Sans cela, l’objectif du 0 accident n’est pas envisageable. Alors bien entendu, il est presque impossible de dire qu’un jour il n’y aura plus aucun mort à bord d’une Volvo. Vous pourriez très bien être assis dans une de nos voitures, à l’arrêt et vous faire percuter par un camion-poubelle avec des conséquences mortelles. Il y a des choses sur lesquelles nous n’avons pas de prise, mais notre intention est bel et bien que plus personne ne soit blessé ou tué sur la route dans une Volvo. C’est pourquoi nous investissons énormément dans les technologies d’évitement du crash, comme le lidar.
« Éviter le crash reste le moyen le plus efficace de ne pas mourir ou être blessé en voiture. »
Pour atteindre cet objectif ambitieux, vous avez introduit la technologie du lidar, qui reste a priori onéreuse. Dans quelle mesure pensez-vous que cette technologie pourra équiper toutes les Volvo, et pas seulement le porte-drapeau qu’est l’EX90 ?
Concernant le coût de cette technologie, tout dépend de qui conçoit le logiciel. Chez Volvo, cette partie est réalisée en interne, ce qui réduit considérablement le coût. De ce fait, nous pourrions équiper tous nos véhicules de cette technologie sans que cela n’implique un supplément exorbitant pour le client. La question est plutôt de savoir si nous le proposons en série sur tous les modèles ou si nous laissons le choix au client d’opter pour le lidar ou non. À terme, l’objectif est d’avoir suffisamment d’influence sur l’implémentation de la technologie pour pouvoir en baisser drastiquement les coûts. Et le meilleur moyen reste de gérer la partie « programmation » en interne.
Récemment, la Commission européenne a encore apporté des aménagements à l’interdiction des moteurs thermiques pour 2035. Cela remet-il en question la décision de Volvo de passer au full électrique ?
Je suis ingénieur et je suis persuadé qu’au final c’est toujours la technologie qui l’emporte. Par conséquent, les atermoiements des législateurs n’ont pas réellement d’incidence sur notre stratégie. À partir du moment où une technologie est clairement plus efficace et performante, elle finit toujours par s’imposer. C’est le cas pour les smartphones par rapport aux téléphones fixes, des ordinateurs portables par rapport aux ordinateurs de bureau, etc. Dans le domaine du transport de personnes, la propulsion électrique présente de très nombreux avantages. Qu’il s’agisse de silence de fonctionnement, de vibrations, de performances, d’efficience ou d’émissions à l’usage, nous sommes convaincus que la technologie des moteurs électrique l’emportera sur les moteurs à combustion interne.
En conséquence, si vous voulez compter parmi les pionniers d’une nouvelle technologie et être dominants dans la prochaine ère de la mobilité, vous devez vous concentrer totalement sur cette technologie. Si vous avez un pied pour avancer en électrique et un autre pour avancer en thermique, vous perdez en concentration et en efficacité, ça ne se discute pas.
Bien entendu, les performances commerciales des différents types de motorisation peuvent varier en fonction des subventions et aides des gouvernements. Mais, au final, aucune industrie ne devrait être liée à une décision gouvernementale. Pour nous l’important tient davantage à la parité de coût entre le thermique et l’électrique. Chez Volvo nous pensons que cela arrivera en 2025 et donc, à partir de cette échéance, nous comprendrons mieux la technologie des batteries – d’où notre investissement dans Northvolt – et nous en contrôlerons mieux le coût. Nous sommes convaincus que le temps nous donnera raison.
« Les atermoiements des législateurs n’ont pas réellement d’incidence sur notre stratégie. À partir du moment où une technologie est clairement plus efficace et performante, elle finit toujours par s’imposer. »
Comment envisagez-vous le positionnement de Volvo dans un avenir proche ? La marque va-t-elle s’orienter vers une sphère plus élitiste et orientée « software » ?
Évidemment, la part du domaine logiciel est sans cesse grandissante dans notre industrie et est appelée à se développer encore davantage. Mais au bout du compte, nous restons un constructeur automobile et le client vient avant tout chez nous pour acheter un objet, une automobile. Certes équipée et « animée » par de plus en plus d’éléments logiciels et d’applications, mais une Volvo restera toujours un objet roulant permettant de se déplacer en toute sécurité d’un point A à un point B.
Quat à notre positionnement, il est évident qu’actuellement, Volvo ne rentre pas vraiment dans le spectre d’intérêt de la Génération Z, qui suit la Génération Y. Ce public jeune, ultra-connecté et qui débute dans la vie active n’a pas forcément les moyens d’acheter une Volvo telle qu’on en propose pour le moment. C’est pourquoi nous croyons très fort en une formule de souscription – à l’image de ce que fait Lynk & Co – pour un modèle plus compact, tel que le petit SUV que nous avons teasé lors de la présentation du EX90. Bien entendu, l’idée sera de proposer ce modèle avec différentes capacités de batteries pour différentes autonomies, adaptées aux besoins des clients qui pourront souscrire pour une durée minimale de 3 mois. Je pense qu’à partir de ce moment-là, le fait que vous ne deviez pas vous engager pour une période longue saura convaincre les derniers Millennials, la Génération Z, qui pourront alors accéder à la marque Volvo. Pour nous ce premier pas dans notre « univers » sera essentiel. Avec une offre qualitative, la qualité de nos concessionnaires, notre offre numérique et de services, nous pourrons alors fidéliser ces nouveaux clients qui auront envie de rester fidèles à Volvo pour leurs prochains véhicules.
Avec le Volvo EX90 facturé à plus de 100.000 €, la marque entre dans une nouvelle dimension. Faisant partie du groupe Geely qui compte également Polestar, Lotus et Zeekr aux prétentions premium, quel sera le positionnement exact de Volvo au sein de cette « galaxie » ?
Avant toute chose, il est important de préciser que nous ne faisons pas partie du groupe Geely à proprement parler. Nous restons une entreprise suédoise, cotée en bourse à Stockholm, mais il est vrai que Geely est propriétaire de Volvo en tant que principal actionnaire. Cela implique que nous établissons notre propre stratégie et ne sommes pas soumis aux décisions du groupe Geely. Nous nous positionnons sur le marché en fonction de nos valeurs et de nos propres ambitions sans tenir compte de ces autres marques citées.
Concernant Polestar, il s’agit avant tout d’un investissement que nous avons consenti et qui s’articule sur une approche très spécifique. Leur crédo « Progressive pure performance » se différencie nettement de celui de Volvo. De manière générale, nous représentons 1 % de parts de marché au niveau mondial. Autant dire que passer à 2 % de parts représenterait déjà un énorme accomplissement.
« Nous nous positionnons sur le marché en fonction de nos valeurs et de nos propres ambitions sans tenir compte de autres marques de Geely. »
En Chine, nous devons faire face à de très nombreux concurrents, qu’il s’agisse de constructeurs chinois établis, de start-ups, etc. Nombre d’entre eux proposent des modèles affublés d’innombrables écrans, de chrome omniprésent, et autres artifices qui ne correspondent pas à l’identité de Volvo. La question est plutôt de savoir si nous pensons qu’il y a en Chine suffisamment de personnes intéressées par la sécurité, la fiabilité et le design scandinave de Volvo. Et la réponse est clairement oui ! Au même titre qu’en Europe ou aux États-Unis. Et le nouveau Volvo EX90 constituera un excellent test à cet égard. Je pense que nous avons notre propre trajectoire et qu’il y existe suffisamment de clients existants et potentiels pour que notre stratégie soit couronnée de succès. Et nous pouvons déjà le constater aujourd’hui. En dépit de la crise énergétique, de l’inflation, et d’autres facteurs négatifs, nos commandes sont à la hausse et la demande pour nos modèles électriques va au-delà de nos attentes.
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