Le 130 km/h sur les autoroutes belges n’est pas pour tout de suite après le refus des entités fédérées. Le gouvernement wallon, dernier à se décider, a botté en touche en ne refusant pas officiellement le projet d’arrêté royal fédéral, mais en ne l’approuvant pas non plus. Dès lors, le dossier est renvoyé au Comité de concertation. La situation actuelle du 120 km/h ne devrait pas changer, vu le refus préalable de la Flandre et de Bruxelles. Les plus farouches opposants se trouvaient parmi la majorité, avec le ministre de la Mobilité Carlo Di Antonio (CDH). Il a notamment pu s’appuyer sur les réserves émises par l’AWSR et Inter-Environnement Wallonie.
Les arguments contre
Que disaient l’AWSR et Inter-Environnement Wallonie ? Qu’en faisant passer certains tronçons à 130 km/h, le gouvernement allait, en quelque sorte, banaliser la conduite en excès de vitesse et que cela risquait d’empêcher le pays d’atteindre ses objectifs environnementaux. De plus, même si ces organismes admettent que les voitures sont plus sûres de nos jours, ils affirment que le 130 km/h est inadapté à notre infrastructure et augmenterait la mortalité routière. Voilà l’argumentation du point par point.
Banaliser la vitesse
En Wallonie, la vitesse moyenne constatée sur autoroute (pour les voitures) est de 119 km/h. En France, sur les tronçons à 130 km/h, la moyenne constatée est de 118 km/h. Sans le dire vraiment, l’AWSR et Inter-Environnement pensent que le Wallon pourrait avoir tendance à rouler plus vite encore si on fixait la limitation à 130 km/h. De plus, en parlant de « banaliser un dépassement de vitesse de 10 km/h », cette mesure pourrait, à leurs yeux, pousser le Wallon à rester sous la marge de tolérance des radars, c’est-à-dire aux alentours de 126 km/h.
Des freinages rallongés
En corollaire du non-respect de la limitation de la vitesse, il y a sa dangerosité. Le document rappelle aussi que la distance de freinage est allongée au fur et à mesure que la vitesse augmente (logique !). L’AWSR s’inquiète du peu de connaissance de cette distance de freinage des conducteurs et de l’adoption de comportements dangereux (non-respect de la distance de sécurité). Une nonchalance plus dangereuse encore à 130 qu’à 120. Une constatation apportée sans proposer de solution pour améliorer cette perception du risque et pour, par exemple, faire respecter la distance de sécurité sans rien changer aux 120 km/h.
Une mortalité en hausse
Le Belgique se situe dans la moyenne européenne inférieure en matière de vitesse autoroutière (130 km/h est la norme dans de nombreux pays). Pourtant, le taux de mortalité sur nos routes est également sous la moyenne. Ainsi, la Wallonie, en 2016, le nombre de tués par million d’habitants y était de 84 contre 50 en moyenne en Europe. Ce qui serait pire encore en changeant la limitation sur autoroute. En sortant la calculette, les spécialistes de l’AWSR et d’Inter-Environnement ont estimé que « même en considérant que tous les conducteurs ne rouleraient pas 10 km/h plus vite, le nombre annuel de tués sur les autoroutes wallonnes passerait quand même de 41 à environ 50 (+22%) et le nombre de blessés de 1420 à environ 1550 (+9%) ». Ce qui serait à l’encontre des objectifs du Gouvernement wallon de ne pas dépasser 200 tués sur l’ensemble des routes d’ici 2020.
Infrastructure adaptée
L’AWSR et Inter-Environnement expliquent également que l’infrastructure autoroutière, avec de nombreux échangeurs, n’est pas adaptée aux 130 km/h. C’est pourtant la vitesse autorisée au Grand-Duché de Luxembourg qui, avec 161 km d’autoroutes, dispose du réseau le plus dense d’Europe avec une sortie ou un échangeur tous les 3,5 km en moyenne. Certes, comme en France, la vitesse est réduite à 110 km/h par temps de pluie. Aux Pays-Bas, autre pays à forte densité routière, et l’un des pays les plus sûrs sur la route, la vitesse maximale est également à 130 km/h, mais les limitations sont souvent variables et certains tronçons sont restés à 120 km/h (avec un rappel systématique de cette limitation sur chaque borne kilométrique). La limitation variable fait également partie du projet du fédéral, et là, rien en semble s’opposer à sa mise en place.
Le CO2 et la pollution
L’autre pierre d’achoppement, c’est le chapitre environnemental. Ici aussi, la calculette a été de sortie : « une voiture moyenne qui se déplace à une vitesse constante de 130 km/h consomme environ 13% de carburant de plus que le même véhicule roulant à 120 km/h. » Mais quel modèle, avec quel carburant, et avec combien de personnes à bord ? La communication des deux organismes évoque aussi « une hausse significative des émissions d’oxydes d’azote et de particules fines ». Et de rappeler qu’avec le 130 km/h, la Wallonie ne pourra pas remplir son objectif dans le cadre du Plan Air Climat Energie 2030. Et les accords internationaux. Comme argument choc, l’AWSR et Inter-Environnement évoque le cas espagnol…
En Espagne en 2011
Entre avril 2011 et juillet 2011, les autoroutes ont été limitées à 110 km/h au lieu de 120 km/h en Espagne. Avant un retour à l'ancienne limitation suite à la pression citoyenne. Durant ces 4 mois, « l’abaissement temporaire de la vitesse maximale […] avait permis à ce pays d’économiser environ 94,2 millions d’euros sur sa facture énergétique et de réduire de 34% le nombre d’accidents mortels ». Ces données manquent toutefois de précision et le délai est trop court pour tirer des conclusions. D’autant que la mortalité a continué à baisser après la réinstauration du 120 km/h grâce à la pression publique fortement opposée à cette mesure.
Les lecteurs du Soir favorables aux 130 km/h
Ce jeudi 1er mars, Le Soir avait demandé à ses lecteurs de donner leur avis sur le 130 km/h. Une grande majorité d’entre eux (62 %) était favorable aux 130 km/h sur autoroute. Le 110 km/h comme limite générale a été largement rejetée, même si elle est mieux acceptée comme vitesse par temps de pluie. Il faut également noter que plusieurs lecteurs du quotidien s’interrogent sur l’absence d’harmonisation européenne et semblent plaider pour « un code de la route européen ». Une solution, pour les principes de base (vitesses, priorités, stationnement), qui faciliterait déjà les trajets entre les différents pays.
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