La politique a-t-elle une vision de la mobilité, et du transport des biens et des personnes par la route, déconnectée des faits ? Fondapol, une fondation française « indépendante et pluraliste », soulève la question avec une étude en deux parties au titre alléchant : « Vive l’automobilisme ». Les auteurs universitaires*, Mathieu Flonneau à la Sorbonne et Jean-Pierre Orfeuil, y proposent leurs notes et leurs réflexions sur le délitement de l’image de l’automobile dans nos sociétés européennes. En plaçant au passage des banderilles au garrot des politiciens et des écologistes.
Tous contre l’auto
« Tous les moyens de déplacement ont des vices et des vertus. » Cette constatation plaide pour une nouvelle vision de mobilité – particulièrement en France qui a servi de modèle mais plus généralement en Europe. Les deux auteurs rappellent que « depuis plus d'un quart de siècle, le prêt-à-penser politique a rangé du côté du bien les transports collectifs et les transports ferrés, et du côté du mal la route, la voiture et les poids lourds ». Or, à leurs yeux, « la route reste pourtant le support ultramajoritaire des flux de personnes et de marchandises, et est aussi le berceau des mobilités collaboratives qui joueront un rôle essentiel dans la mobilité de demain ».
Non, la voiture n’est pas que vice
« Repenser et réhabiliter la route, reconnaître son rôle essentiel aujourd’hui et demain, accompagner sa montée en qualité, mettre fin à un tabou routier d’autant plus absurde qu’on demande toujours plus de mobilité aux gens constituent des pas nécessaires si l’on veut contribuer à enrayer les dérives populistes. » L’étude revient d’ailleurs sur quelques échecs de la politique de mobilité française et sur un retour « imprévisible » du transport par autocars et le choix toujours privilégié d’une grande majorité de Français pour la route. Ce qui apparaît « incompréhensible » pour certains. Pourtant, les auteurs insistent sur le rôle social de la voiture et des nouvelles initiatives comme le covoiturage BlaBlaCar.
Gagner du temps
La route crée et a créé de nombreux réseaux sociaux au service de la collectivité. Les zones reculées ou à faible densité de population ne peuvent se contenter d’un service public sporadique et souvent inadapté. En outre, la voiture fait gagner du temps et les personnes sans permis et sans véhicule dans les zones rurales sont réellement handicapées dans leurs vies sociale, familiale et professionnelle ainsi que dans les choix qui s’offrent à eux. L’étude indique d’ailleurs que « malgré un coût monétaire pour l'usager plus élevé, la voiture est alors choisie pour maintenir le budget temps quotidien dans une limite acceptable ». Sans oublier, que bien souvent elle est plus rapide et plus confortable que les réseaux de transport public et même si « temps et argent sont partiellement substituables » : « personne (ou presque) ne serait prêt à passer 5 heures par jour en ne se déplaçant qu’à pied pour ne rien payer ».
Nombrilisme parisien
L’ouvrage de Fondapol rappelle qu’il y a « la France des grandes villes et l’autre France ». Il y a même Paris et le reste de la France. La capitale française a la particularité d’une densité urbaine où la pression automobile est forcément mal ressentie. Cependant, c’est la ville français où il est le plus facile de se passer d’automobile. D’ailleurs, plus de 50 % des ménages parisiens n’ont pas de voiture. D’où la remarque perfide de l’étude : « Il n'est donc pas étonnant que Paris soit l'un des « hauts lieux » de l'anti-automobilisme ». Or, Paris a la mainmise sur la politique nationale de nos voisins. Elle s’enrhume et tout le pays a la grippe. Si bien que les décisions sont parfois prises sur base de l’expérience parisienne seule, au détriment des zones les plus reculées. Chez nous, en Belgique, la situation est également particulière avec des zones à forte densité urbaine essentiellement en Flandre, une capitale qui draine plus de 300.000 navetteurs quotidiens et de nombreuses régions dans le Sud du pays mal desservies en transports publics.
Les accidents
Les deux auteurs rappellent aussi que dans les années 70 avec plus de 15.000 morts par an sur les routes de France, jamais on n’aurait pu imaginer une mortalité routière de moins de 4000 décès par an. Or, ce sont les chiffres actuels qui tendent à prouver la capacité du monde de l’automobile – certes poussé dans le dos par les politiciens et la répression – à réduire l’insécurité routière. De plus, les efforts faits pour réduire l’impact écologique des véhicules ont permis de réels progrès incités par les normes apparues à partir des années 90.
La pollution
L’ouvrage indique ainsi que « Des études […] ont montré que ces décisions sur le parc ont eu un effet plus important sur la qualité de l’air que l’on respire que les politiques de restriction des circulations ». Et s’il est normal que les transports soient parfois pointés du doigt : « l’internalisation du coût du changement climatique est à l’évidence plus avancée dans les transports européens que dans les autres secteurs, ou les autres pays. On ne le dit pas, c’est dommage pour l’honnêteté intellectuelle ».
En guise de conclusion
«La mobilité et la route ne sont pas que des coûts, du CO2, ou des nuisances. Ce que représente la route et l'automobile n'est en rien secondaire dans l'économie nationale : appauvrir continûment et mépriser leur convivialité, ignorer leur plasticité et leurs possibles usages collectifs et collaboratif sont des erreurs manifestes. » Et enfin, « l’utilité de la route a-t-elle été ignorée par habitude, par aveuglement, ou parce qu’elle est présumée toute-puissante grâce au « lobby de la route, du pneu et du pétrole » ? » ; depuis les années 80. Ces pages veulent donc rappeler « l’utilité sociale » de l’automobile et « ses externalités, tant négatives que positives ».
Notes
Vous pouvez consulter cette étude (écriture de type universitaire) en 2 parties sur ces liens :
- Vive l’automobilisme ! (1) Les conditions d’une mobilité conviviale
- Vive l’automobilisme ! (2) Pourquoi il faut défendre la route
* Mathieu Flonneau est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et à Sciences Po, chercheur à l’IRICE-CRHI, UMR 8138, universités Paris-I et Paris-IV, axe 1 du LabEx EHNE, et président du groupe de recherche Passé Présent Mobilité (P2M).
* Jean-Pierre Orfeuil est professeur émérite à l’École d’urbanisme de Paris (université Paris-Est), chercheur à l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets), devenu Institut français des sciences et technologies des transports de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar), collaborateur de l’Institut pour la ville en mouvement depuis sa fondation, et spécialiste des mobilités et de leurs transformations, et des enjeux économiques, sociaux, environnementaux et urbains correspondants.
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