Premier essai / Lamborghini Revuelto : Électrochoc

C’est l’époque qui veut ça. Lamborghini n’avait d’autre choix que doter la Revuelto d’une assistance électrique. Car à Sant'Agata Bolognese comme ailleurs, les préoccupations sont les mêmes, comme celle de réduire les émissions moyennes de CO₂ de la gamme. Depuis peu, les autres taureaux de l’élevage - le SUV Urus SE et la Temerario – sont passés à la motorisation hybride rechargeable, en attendant un crossover 100% électrique en gestation (2026). 

Mais le fait le plus marquant – rassurant – tient dans l’indéfectible fidélité de Lamborghini au plus noble des moteurs : le V12 atmosphérique. Le concurrent de Modène a déjà lancé son premier coupé PHEV avec la SF90 Stradale, mais en optant pour un V8 hybride rechargeable. Ferrari a essayé de nous vendre cette SF90 comme une interprétation contemporaine de la Testarossa, une couleuvre qu’aucun tifosi ou même client n’a avalée. En revanche, il existe une filiation directe entre la Revuelto et la Countach, entrée en production il y a exactement 50 ans. Outre de, chacune à leur façon, changer la scène des supercars pour toujours, elles casent un V12 à aspiration naturelle dans le dos du conducteur.

Design Lamborghini Revuelto

Les lignes tendues de la nouvelle venue réfèrent directement à l’illustre Countach, avec ce nez court et ces hanches larges. Le design prend aux tripes par ses proportions sauvages et son sens du détail exacerbé, parfois exagéré. Cela dit la surprise perd un peu en intensité à mesure que le regard glisse sur les flancs.  

Les éléments en forme de Z noir contrasté au niveau des prises d'air latérales perturbent un peu l’ensemble, et la partie arrière ornées de blocs optiques effilés et de sorties d'échappement inhabituellement hautes n’arrivent pas à nous convaincre totalement. Comme si le designer Mitja Borkert avait bien reçu le message de sortir des sentiers battus, mais sans parvenir totalement à s'extraire du moule des Lambos plus récentes. 

Quoi qu’on en pense, le style reste immédiatement reconnaissable et le spectacle visuel saisissant. Grâce à son implication dans la course automobile et à des projets tels que la STO et la SC63, le constructeur italien a beaucoup appris en matière d'aérodynamisme. L'aileron arrière actif n'est pas là pour faire joli, il génère une appui aérodynamique supplémentaire à certaines vitesses. Il est bien sûr possible de l'exhiber sans besoin de rouler à tombeau ouvert, juste pour la frime.  

Intérieur Lamborghini Revuelto

L'habitacle témoigne d’un très sérieux bond en avant. La finition est presque digne du prix exorbitant, le système d'infodivertissement n'est plus de la récup’ à bas coût de chez Audi, mais un module sur mesure composé de trois écrans aménagés avec élégance. Convivial, qui plus est, et farci des fonctions les plus modernes. Il faut un peu de temps pour s'habituer au volant chargé de commandes, mais qui ne gênent pas le principal: la direction, meilleure que celle de l’Aventador. Les palettes de changement de vitesse tombent naturellement sous les doigts.

Affichant un gabarit plus imposant que sa devancière, la Revuelto dégage plus d’aisance au niveau de la garde au toit (+26 mm) et des jambes (+84 mm). Cela dit, notre crâne frôle le ciel de toit. Si vous envisagez des sorties circuit, avec port du casque obligatoire, optez pour les baquets en carbone optionnels, ils abaissent la position de conduite et offrent un soutien latéral un peu plus important. Si vous restez sur la route, évitez-les car ils malmènent les muscles et les organes lorsque vous forcez dans les changements d’appui.

Et sans eux la Revuelto est de loin le coupé Lamborghini le plus confortable que nous ayons jamais conduit: l'accès est plus facile, la visibilité panoramique s'est améliorée, il y a un volume de chargement supplémentaire derrière les sièges (assez pour un sac de golf), et surtout Lamborghini utilise une boîte de vitesses robotisée à double embrayage. Cette nouvelle boîte DCT enchaîne les rapports avec une douceur et une fluidité inédites, ce qui fait vite oublier la boîte ISR à simple embrayage qui équipait l'Aventador. Le gain en agrément est incontestable en usage quotidien, même si certains regretteront le caractère sauvage de l’Aventador. 

Batterie et charge Lamborghini Revuelto

La Revuelto embarque trois moteurs en tout: deux sur l'essieu avant et un dans la boîte de vitesses, à l’arrière. La batterie se trouve désormais dans ce que l'on appelait le tunnel de transmission. Ces batteries ont une capacité extrêmement modeste de 3,8 kWh selon les normes PHEV, ce qui donne une autonomie électrique d'à peine 10 km - juste assez pour sortir sa Lamborghini en catimini d’un centre-ville. 

En branchant le véhicule, il est possible de recharger complètement les batteries en une demi-heure. Si l'on utilise le moteur à essence, la tâche est accomplie en 6 minutes seulement, mais l'avantage en termes de consommation s’évapore. L'accent a donc été posé sur la récupération rapide de l'énergie, de sorte à alimenter continuellement le V12 d’un soupçon de jus électrique afin de lui assurer constamment son énorme potentiel.

Lamborghini a pensé aux priorités: une batterie chargée autoriserait à boucler un tour complet de la Nordschleife à pleine puissance. Sur un circuit traditionnel, vous maintiendrez un rythme qualif’ pendant trois tours. Grâce au launch control et à la transmission intégrale, le sprint de 0 à 200 km/h ne devrait pas prendre plus de 7 s. Un mode «Show» fera perdre en efficacité, mais gagner en spectacle, en autorisant le patinnage des roues. Après tout qu’importe le mode, la Revuelto impressionne. Le son des douze cylindres est paradisiaque. 

Moteur et transmission Lamborghini Revuelto

Le V12 ouvert à 60° - nom de code «LH545» - est une évolution de celui de l'Aventador. La cylindrée est identique, tout comme la course et l'alésage, mais le bloc a été allégé et renforcé, et la culasse ainsi que le système d'injection sont entièrement nouveaux. Grâce à cela les ingénieurs ont augmenté la compression, pour faire grimper la puissance à 825 ch à 9250 tr/min. La zone rouge se situe 250 tours plus haut. Lorsque les moteurs électriques filent un coup de pouce, la cavalerie ionisée atteint 1015 ch.

Traditionnellement, les V12 Lamborghini ont besoin d'un certain temps et d'un certain nombre de tours pour se dérouiller les bielles, mais grâce à l'assistance électrique la fête commence d’entrée de jeu. Le compte-tours bondit dans le rouge et vos poils se redressent sur les bras. Les tympans encaissent. Une expérience balistique particulièrement addictive, surtout dans les tunnels. L'interaction entre le moteur thermique et le mode électrique est brillante, le V12 donne clairement l'impression de rester le maître du débat.

Rassurez-vous, le V12 central pousse toujours comme un diable. La Revuelto ne s’est pas muée en une sorte d’Alpine A110 surpuissante, elle reste une bête à l'ancienne… qui accuse près de 1,9 tonne sur la balance. Mais on ne craint plus en permanence les coups de cornes acérées. Dans les virages rapides, on place le monstre un peu plus à sa guise, sans être directement confronté à du sous-virage. Il suffit de freiner, de regarder au bon endroit, de tourner, de remettre les gaz, et la transmission aux quatre roues redresse la trajectoire. 

Conduite Lamborghini Revuelto

Lamborghini a beaucoup œuvré sur le freinage, forcément influencé par la récupération d’énergie. Si la Revuelto ralentit grâce à l’anti-couple des moteurs électriques, les metteurs au point voulaient un toucher de pédale cohérent, traditionnel. Mission réussie ! Que de sensations fortes à l’abordage des virages sur lesquels ont fond à la vitesse d’un aigle, parfois avec un début de panique lorsque ce que l’on pensait être une simple courbure de la route est en réalité une épingle à cheveux ! 

Pas grave, le châssis ultrarigide intégrant du carbone, les suspensions et les aides électroniques agissent comme autant de bouées de sauvetage… nécessaires pour le commun des acheteurs. Et c'est là la plus grande réussite par rapport à l'Aventador : vous disposez désormais d'une sensation de contrôle ou, en d’autres mots, d’une marge de manœuvre. On remercie les ingénieurs pour leurs choix… simples. Pas de suspension compliquée, mais des doubles triangles, ni de direction progressive à rapport et pas variables. Après tout, une communication directe nécessite le moins d’intermédiaires possible.  Après tout, une communication directe nécessite le moins d'intermédiaires possible. 

Néanmoins, la dynamique bénéficie de nombreux coups de pouce, allant des amortisseurs magnétiques et de l'essieu arrière directionnel à la répartition vectorielle du couple des moteurs électriques sur l'essieu avant, qui garantissent une stabilité maximale tant au freinage qu'à l'accélération. Et tout se déroule sans que l'on s'en rende vraiment compte. La Revuelto vous donne l’impression d’être le meilleur dompteur de taureau ayant jamais existé.  

Prix Lamborghini Revuelto

Lamborghini a vu ses ventes exploser ces dernières années, et malgré son prix élevé d'au moins 511.000 €, la Revuelto trouve des acheteurs plus vite que l'usine de Sant'Agata ne peut en fabriquer. L'adage selon lequel il faut toujours en construire un exemplaire de moins que ce que la demande réclame ne se vérifie plus. Les lignes de production, partagées avec la Temerario, tournent à plein régime, mais la liste d'attente ne cesse de s'allonger. Quiconque commande sa Revuelto aujourd'hui devra déjà s'armer de patience… jusqu'en 2026 au moins. 

Verdict Lamborghini Revuelto

La Revuelto a gagné en finesse et en feeling, de façon étonnamment naturelle et intuitive. Mais elle conserve des traits de caractère typiquement Lamborghini, donc parfois difficiles à appréhender. Ce qui vous permet de ne jamais oublier que vous domptez un taureau de combat, pas juste une excellente sportive. 

Une épreuve mentale récompensée, un jour, par la jouissance de posséder cet extraordinaire bolide. Une voiture tellement hors du commun, technologiquement avancée et étonnamment bien conçue. Et toujours avec cette extravagance sans compromis, presque dramatique, qui fait que l’on garde les mains moites en la conduisant. Comme il se doit à bord d’une Lamborghini.