- Avis Rédaction /20
Je vous présente un animal en voie d’extinction. Aujourd’hui les coupés rasant le sol ne font plus recette, sauf auprès de passionnés irréductibles. L’intérêt s’est éteint au rythme de l’avènement des SUV surdynamités, moins exigeants pour les articulations de la clientèle aisée… et souvent plus âgée. En outre, notre coupé Type F se dote ici d’un gros V8 de 5 litres, pas vraiment le genre de moteur prioritaire dans les réunions stratégiques des constructeurs, même ceux historiquement impliqués dans la construction de gros cubes.
Et puis Jaguar est en proie aux difficultés. Ses berlines se vendent mal, les modèles crossover pourraient mieux percer et si l’I-Pace est une belle forme d’opposition à Tesla, le crossover 100% électrique ne jouit pas de la geek culture qui fait le succès insolent du californien. Pourtant, la F-Type demeure à nos yeux l’un des plus beaux joyaux de la couronne britannique. Dommage, le V6 ne lui est plus réservé et la gamme se limite donc à un grand écart entre le 4 cylindres turbo et l’opulent V8. Cette dernière, en version R de 575 ch et transmission intégrale, c’est un pied de nez à la bien-pensance actuelle.
Sympa
Le lifting du modèle 2020 est limité, mais frappant. Les nouveaux phares à diodes « félinisent » l’aspect de la Jaguar avec beaucoup plus de séduction. Vu de face, cela change complètement la perception du modèle. Les proportions de la Jaguar restent éminemment séduisantes, avec ce long capot, ces hanches larges et arquées. Si vous n’aimez pas trop attirer l’attention et être carrément épié dans les embouteillages, évitez soigneusement le jaune pétant de notre version…
Les Anglais ont profité du passage à cette évolution pour retoucher la suspension, en particulier les amortisseurs et la direction, avec effets bénéfiques immédiats pour les sensations. Cette version illustre aussi le fait que, de nos jours, un bolide de 600 ch est tout à fait pilotable et précis. On est loin des passionnantes - mais très nerveuses - XKR-S, pour reprendre un exemple parlant de super-Jaguar. Les ruades et moments de solitudes n’existent plus vraiment, la F-Type 575R est un exemple d’efficacité.
Les grosses voix n’ont plus trop la cote non plus, ces derniers temps. Les sportives passent une à une à des moteurs de plus petites cylindrées, avec moins de cylindres et à des échappements carrément étouffés. Notre F-Type n’échappe pas à un contrôle plus sévère des émissions de décibels, mais pareil coffre reste enivrant. Un plaisir de la vieille école dont les chanceux qui s’offriront une telle Jaguar ont raison de profiter, car dans quelque temps cela deviendra sans doute proscrit. Et si l’on y prête un peu gare, le 5 litres peut se contenter de 11,9 l/100 km.
Dommage
Le moins évident avec ce type de bolide, c’est le virage moral pris par notre société. En d’autres mots, il faut l’assumer, surtout en jaune. Si vous êtes un peu parano, vous ne lirez que suspicions et critiques dans l’œil des autres. Vous remarquerez vite qu’on ne vous cède pas systématiquement la priorité et que les doigts peuvent se dresser sur votre passage, en doublant un groupe de cyclistes, par exemple. Bref, pour bien vivre tout ça, mieux vaut se moquer du qu’en-dira-t-on. C’est bien connu : plus l’arbre est grand, plus il sent la force de la tempête.
Les compteurs numériques sont partout de nos jours. Cela arrange tout le monde, car c’est à la mode (les jeunes raffolent) et que cela ne coûte rien ! Bien moins, en tout cas que des cadrans chromés et/ou bouchonnés ou ciselés… Sur une Clio, c’est très bien, mais sur une Jag’ de cette trempe, je préfèrerais la noblesse de l’artisan et/ou de l’horloger pour m’informer. Ou alors, quitte à accepter la technologie, je souhaiterais de la très haute définition et des effets plus séduisants que le manque de cachet imposé par les écrans d’origine de cette F-Type.
Malgré une architecture en aluminium, la Type R pèse 1,8 tonne, ce qui, pour une deux places, est énorme, V8 ou pas. À quoi bon tous ces moteurs électriques, pour régler sièges, volant, mais aussi buses d’aération lorsque l’on démarre la voiture ? Sans cela, on gagnerait facilement 100 kilos et plus.
Et donc
La F-Type n'est pas ma sportive de rêve, d’autres bolides «plaisir» plus légers et efficaces rencontrent mieux mes attentes, comme les Toyota GT86, Mazda MX-5 ou, dans un registre plus chic, Porsche 718 Cayman. En même temps je me suis difficilement lassé du tempérament de ce fauve en sursis. Les chances de conduire – donc posséder et utiliser au quotidien – un tel engin s’amenuiseront peu à peu. Moteur noble, élégance incontestable de ses lignes, cette F-Type reste une machine irrésistible. Dire que ce genre est menacé par des SUV pachydermiques…
Dans cet article : Jaguar, Jaguar F-Type
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