Suite au Dieselgate de 2014 (logiciel truqueur), plusieurs propriétaires de modèles du groupe Volkswagen ont entamé des démarches judiciaires. Une action collective, initiée par la Diesel Emissions Justice Foundation (DEJF), est lancée dans plusieurs pays, dont la Belgique. Elle est indépendante de celle menée par Test Achats chez nous. Voici leur point de vue par la voix de Maria José Azar-Baud, membre du Conseil d’administration et porte-parole de la Diesel Emissions Justice Foundation (DEJF), et maître de conférences à l’Université Paris-Saclay.
Moniteur Automobile : Votre association a décidé de rassembler des propriétaires de modèles du groupe VW touchés par le Dieselgate. Combien de personnes ont déjà répondu à votre appel ?
Maria José Azar-Baud : En mars dernier, plus de 10.000 personnes avaient déjà décidé de participer à la DEJF (déclaration faite dans l’action collective introduite à Amsterdam) au nom d’actuels et futurs « Participants » de l’initiative de la DEJF. Le nombre est en augmentation constante. Nous espérons que la récente décision en Angleterre permettra de convaincre d’autres personnes de leur droit à une compensation, et les motiver à rejoindre la DEJF. Ces milliers de personnes résident dans l’un des trois pays dans lesquels nous avons pour l’instant présenté notre action, à savoir Pays-Bas, Belgique et France. D’autres pays européens suivront comme l’Espagne. Nous n’avons pas clôturé la possibilité d’y participer.
MA : Pourquoi avoir choisi de porter plainte aux Pays-Bas ?
MJ A-B : Car leur système offre un mécanisme original, permettant de représenter un groupe de personnes aussi large que nécessaire. Et puis, la loi néerlandaise n’impose aucun nombre minimum (ni maximum). Il s’agit de la procédure connue comme WAMCA, en vigueur depuis janvier 2020. Ce dispositif s’inscrit d’ailleurs dans une tradition légale et jurisprudentielle néerlandaise, laquelle depuis 2005 est favorable aux actions collectives, comme en témoignent des procédures ayant permis de compenser de milliers d’Européens, non seulement des Néerlandais. Ainsi, le cas Fortis, qui s’est déroulé aux Pays-Bas, par exemple, a permis à des investisseurs belges d’obtenir compensation, notamment.
MA : Comment est financée votre association ? Faut-il payer pour rejoindre votre action collective ?
MJ A-B : Il s’agit d’une Fondation, basée en Hollande et partant régulée par la loi néerlandaise qui permet et régule, via des règles contenues dans le Claim code (version 2019), le financement du procès par des tiers. Les règles susmentionnées visent à assurer la transparence du mode de financement. Ceci nous permet de fonctionner et d’engager l’action collective en justice et, on l’espère, une négociation avec Volkswagen. Le participant n’a rien à débourser. Seulement si l’action conduit à une compensation, le financeur (et non pas la Fondation) perçoit jusqu’à 27,5% du montant perçu, en contrepartie du risque et des dépenses encourus.
MA : En quoi le récent jugement de la Haute-Cour de Londres à l’encontre de VW, au bénéfice de 91.000 plaignants, est-il encourageant ?
MJ A-B : D’abord, il constitue une nouvelle reconnaissance du caractère manipulateur, trompeur, du dispositif de reconnaissance de test. Ce qui est un préalable indispensable à la reconnaissance du droit à une compensation notamment financière. C’est donc un point d’étape décisif. Ensuite, car la décision s’appuie sur le droit de l’Union européenne, partant commun à tous les États membres. Enfin, car les termes de la décision sont forts. Elle s’avère donc encourageante, valide notre démarche et devrait renforcer notre position.
MA : Et l’arrangement à l’amiable fait en Allemagne, est-ce une bonne solution ?
MJ A-B : Un arrangement à l’amiable est le plus souvent une bonne chose. Nous avons salué l’annonce de l’accord (pas encore validé pour l’heure). Or, nous avons manifesté également nos réserves. D’abord, il était conditionné à un taux d’opt-in important (70% des personnes représentées à la procédure). Ensuite, la manière dont les compensations seraient allouées restait floue. Enfin, c’est un accord qui concerne uniquement les Allemands ayant adhéré (opt-in) à la procédure dans le cadre de laquelle ledit accord a été négocié.
MA : Volkswagen a-t-il déjà tenté de trouver une solution à l’amiable avec vous ou vos plaignants ?
MJ A-B : Non, mais il n’est jamais trop tard. L’initiative de la DEJF permet non seulement de faciliter l’accès à la justice, via une compensation financière pour les personnes affectées, mais aussi à Volkswagen de gérer son passé, de réparer les préjudices. C’est ainsi une opportunité pour VW de mettre cette histoire dans son rétroviseur.
MA : Quel est votre sentiment face à cette situation et pensez-vous que Volkswagen soit le seul groupe coupable de tels agissements ?
MJ A-B : La Fondation Diesel Emissions Justice porte bien son nom. VW n’est pas le seul groupe concerné par le Dieselgate.
Addendum : du côté de D’Ieteren, en tant qu’importateur indépendant, l’entreprise ne se sent pas directement concernée par cette plainte visant Volkswagen. L’importateur s’en tiendra aux prescriptions et demandes du constructeur dans le cadre de son service à la clientèle. Et aux décisions de justice. À ce jour, plus de 80 % des véhicules concernés par le Dieselgate en Belgique ont reçu la mise à jour. Laquelle, nous a indiqué le porte-parole de D’Ieteren, n’aurait « aucune influence sur la valeur du véhicule lors de sa revente ». Les véhicules qui n’ont pas encore été « corrigés » sont soit des véhicules ayant disparu de la circulation, soit qui ont été envoyés à l’étranger avant la mise en place du rappel, soit qui ont tout simplement disparus des radars car ne passant plus par le réseau officiel ou des réparateurs agréés.
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