Si on vous demande à quel constructeur se rattache l’appellation «ti», vous répondrez probablement Alfa Romeo. Et vous auriez raison d’une certaine façon. Il ne faudrait cependant pas sous-estimer l’usage qu’en a fait BMW au début des années 60 pour désigner la version la plus performante de sa berline 1800, qui défendit avec brio les couleurs de la marque en compétition. Et que le badge «ti» a ensuite fait trembler la concurrence lorsqu’il était apposé sur la face arrière des meilleures 1600 et 2002 qui, soit dit en passant, ont largement contribué à grossir et à embellir le palmarès sportif de BMW ainsi qu’à asseoir son image.
Penser à le ressusciter au début des années 90 pour qualifier la plus performante des Série 3 Compact était naturellement une excellente idée même si beaucoup d’eau avait coulé sous les ponts depuis la disparition des 2002ti (en 1971) et tii à injection (en 1975). Dans un premier temps, celui-ci sera apposé sur la 318 ti Compact animée par un 4-cylindres 16 soupapes de 1.895 cm3 développant 140 ch. Il faudra attendre 1997 pour que ce badge désigne enfin une version plus noble à six cylindres, en l’occurrence cette 323ti Compact.
>>> Le texte complet de cet essai est disponible dans le Moniteur Automobile 1754, par Stany Meurer.
Une confrontation ratée
Cette année-là, en automobile, en marge des GTI sur la voie du déclin, voici que se profile progressivement l’ère des compactes premiums énervées. Comme pour ne pas changer, l’initiatrice du genre n’est autre que la Golf dans sa variante VR6, qui a jeté les bases de ce nouveau genre plus classieux dès le mois d’août 1991. Mauvais timing donc, qui ne permettra aucune confrontation directe avec sa rivale toute désignée à l’époque entre ces deux agitées: VR6 et 323ti. 24 ans plus tard, cette confrontation a enfin lieu avec le match 128ti/Golf GTI.
Élargir la clientèle
En lançant la Série 3 Compact en avril 1994, BMW désirait élargir son spectre de clientèle, la conquête de nouveaux acheteurs devant lui permettre d’accroître sensiblement ses volumes de production. Avec prudence, BMW avait choisi de limiter les coûts au départ. Pour ce faire, la gamme initiale de la Série 3 Compact faisait donc l’impasse sur les moteurs à six cylindres. Il faudra donc patienter trois millésimes pour assister à la greffe sur cette carrosserie du dernier-né des 6-cylindres BMW de l’époque, connu sous le matricule M52. Avec cette version musclée, pas question bien entendu de viser de gros volumes (ce qu’elle ne fera jamais d’ailleurs) mais plutôt de redorer le blason d’un modèle qui, s’il se vend bien, écorne un peu l’image de BMW.
Un 6-en-ligne unique
Comme la berline 323i d’ailleurs, la 323ti Compact triche sur la cylindrée de son moteur. Celui-ci est en effet un 2,5 litres et non un 2,3 litres comme l’appellation le laisserait supposer. Toujours est-il qu’au moment où elle est lancée, la 323ti Compact est la seule voiture de sa catégorie à pouvoir s’enorgueillir d’abriter dans ses entrailles un 6-cylindres en ligne, une architecture mécanique parfaitement équilibrée et qui tend à réduire pratiquement à zéro les vibrations. Coiffée d’une culasse à quatre soupapes par cylindre et dotée du système Vanos permettant un calage variable de l’arbre à cames d’admission, cette mécanique de belle facture revendique 170 ch à 5.500 tr/min et un couple confortable de 245 Nm disponible dès 3.950 tr/min. Des chiffres proches de ceux de la VW Golf VR6, revendiquant respectivement 174 ch à 5.800 tr/min et 235 Nm à un régime plus élevé de 4.200 tr/min.
À partir de mars 1998, le moteur M52TU a remplacé progressivement le M52 sur l’ensemble de la gamme BMW, et donc aussi sur la 323ti Compact. Profondément revu, ce bloc adopte notamment le Double Vanos autorisant cette fois un calage variable en continu aussi bien à l’admission qu’à l’échappement. Malgré son code usine la rattachant à la Série E36, la 3 Compact s’en différencie par une plateforme hybride associant un train avant de E36 à un train arrière de E30, décodez celui d’une Série 3 de la génération précédente. Comme la Z3 contemporaine, elle fait donc l’impasse sur l’essieu arrière multibras inauguré sur la Z1 et repris par les berlines, coupés et breaks E36.
En lieu et place, on trouve la solution chère à BMW jusqu’alors, à savoir des triangles obliques combinés à des ressorts hélicoïdaux, un ensemble nettement moins sophistiqué et efficace qu’un multibras mais qui bénéficie tout de même d’un raffinement moderne sous la forme d’un système maîtrisant les effets de plongée et de cabrage.
Merci l’antipatinage
Pour calmer le jeu sous forte sollicitation, BMW a tourné le dos au pont autobloquant pour lui préférer un antipatinage électronique ASC+T. Si cette option technique, sera décriée par les conducteurs les plus sportifs et exigeants, en revanche, en usage normal, cet ASC+T satisfera le plus grand nombre. Autre amélioration par rapport aux versions plus placides, la 323ti Compact bénéficie en série de la suspension sport M-Technic abaissée de 15 mm et d’une monte pneumatique plus généreuse en 16 pouces. Comme pour toutes les BMW de l’époque, la présence d’un 6-cylindres est trahie par un silencieux d’échappement à double sortie: c’est peut-être un détail pour vous, mais pour «eux», ça veut dire beaucoup.
Dans l’habitacle, la mode n’était évidemment pas encore aux écrans digitaux. Pas à la gaudriole, non plus. Économies d’échelle obligent, la planche de bord est, elle aussi, un mix d’éléments provenant de deux générations de Série 3, à savoir E30 et E36. Mais ce qui choque le plus dans ce premium access est l’utilisation massive de plastique dur et granuleux, perçu comme un défaut sur le plan de la qualité perçue. Comme dans toute BMW qui se respecte, la position de conduite a été soignée, malgré l’absence de colonne de direction réglable. L’ergonomie elle aussi répond au même critère, et l’on se sent bien installé. Un élément de satisfaction qui fera oublier (ou tentera de le faire) en partie la présentation triste et peu valorisante.
Délicate sur le mouillé
Et sur route? Si l’on en croit Peter Gemoets qui écrivait dans Le Moniteur Automobile n°1146 du 13 novembre 1997 «qu’à l’inverse de la 318ti, qui pouvait parfois tenter d’échapper subrepticement à son conducteur sur un revêtement gras, la 323ti reste nettement plus sage dans ses réactions. L’électronique veille au grain et prévient tout décrochage intempestif, sans pour autant nuire à l’efficacité globale», on pourrait presque penser que cette dernière s’est exagérément assagie pour rester amusante. Mon ami Peter devait être dans un bon jour quand il a écrit ces lignes. Car s’il n’y a rien en effet à redire sur la motricité sur sol sec, en revanche sur sol gras et/ou revêtement dégradé, l’antipatinage rudimentaire peine à transmettre correctement le potentiel mécanique.
En outre, si le train arrière daté (sinon dépassé) confère à la 323ti Compact un comportement joueur dans de bonnes conditions, il avoue rapidement ses faiblesses lorsqu’on se montre exigeant dans la conduite, un défaut amplifié par des mouvements de caisse pas toujours bien maîtrisés. C’est dommage dans la mesure où, avec sa répartition des masses idéale 50-50 avant-arrière, la 323ti Compact aurait pu être un engin diabolique si elle avait reçu un train arrière plus moderne. Et, tant qu’à faire, adopté une direction plus incisive ainsi qu’un rapport de pont final de transmission plus court. Je sais, je pinaille, on ne se refait pas...
De 5 à 10.000 €
En 1997, une 323ti Compact coûtait 1.070.000 BEF, soit l’équivalent de 26.525 €. C’était 180.000 BEF (4.462 €) de plus qu’une 318ti Compact bien moins séduisante. Ainsi, toujours si l’on en croit Peter, «animée par ce 6-cylindres en ligne de 2,5 litres, la 323ti Compact devient une voiture fantastique qui séduira plus particulièrement le conducteur individualiste en quête du plaisir de conduite maximal». Aujourd’hui, il y a moyen de trouver des 323ti Compact pas trop chères, notamment en Allemagne, vers 5 à 8.000 €, mais le plus souvent avec de gros kilométrages. Un bel exemplaire dans sa configuration d’origine, affichant un faible kilométrage, pourra frôler les 10.000 €, ce qui reste raisonnable vu le charme du «straight-six» et la rareté de l’engin...
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