Depuis l'été 2022, les prix de vente des voitures électriques d'occasion sont dans une spirale descendante, et la tendance négative ne semble pas encore avoir atteint son point le plus bas. Selon les analyses d'Indicata, une société de données spécialisée dans le marché de l'occasion, la valeur résiduelle des voitures électriques a baissé aujourd'hui de 28,8% par rapport à janvier 2023. «Le nombre de jours qu'une voiture électrique reste sur le parking chez le concessionnaire avant d'être vendue est également bien plus élevé que celui des voitures à essence et Diesel», déclare ainsi Filip Dobbeleir, senior manager chez Indicata.
Un scénario alarmant, qui crée une mauvaise atmosphère sur le marché de l'occasion. «Les revendeurs ne sont pas enclins à acheter des voitures électriques, car c'est risqué et ils n'ont pas de clients pour cela», ajoute encore Dobbeleir, qui note cependant de grandes différences régionales. «Dans les zones rurales, les véhicules électriques d'occasion sont logiquement moins courants que dans les zones urbaines.» La popularité des véhicules électriques dépend également en grande partie des possibilités de recharge de l'utilisateur.
Mais d'où vient cette spirale des prix à la baisse? «La fixation des prix dans notre économie repose principalement sur le principe de l'offre et de la demande», explique Dobbeleir. «Selon notre rapport Market Watch pour la Belgique, l'offre de voitures électriques a augmenté de 6,34 % en janvier 2024 à 7,7 % fin septembre. L'offre relative est passée de 3,79 % à 4,76 %. Il y a donc une offre excédentaire croissante, associée à une demande non proportionnelle sur le marché de l'occasion. L'écart entre les deux se creuse actuellement de plus en plus, ce qui fait baisser les prix des VE.»
La faute de Tesla
Le consommateur peut en tirer parti, mais les vendeurs – en particulier les sociétés de leasing – voient cela d’un mauvais œil. Il est question de milliers d’euros de perte par voiture électrique. Les entreprises ont-elles surestimé la valeur résiduelle? «Avec les voitures à essence et Diesel, le secteur du leasing a des décennies d'expérience, tandis que la voiture électrique est nouvelle», explique Stijn Blanckaert, directeur général de Renta, la fédération belge des loueurs de véhicules.
Selon Blanckaert, les premières estimations pour les VE étaient plutôt conservatrices, justement pour limiter les risques. «Mais ensuite sont arrivés les premiers exemplaires de la Tesla Model S sur le marché de l'occasion, il y a environ sept ans, et tout le monde a été agréablement surpris par les prix de vente élevés. En conséquence, certains loueurs ont ajusté positivement leurs valeurs résiduelles. Cependant, ces premières occasions Tesla ont donné une fausse impression. La Model S était un phénomène de mode et l'offre de véhicules d'occasion était encore très limitée. Aujourd'hui, la situation est complètement différente. Il y a des milliers de VE sur le marché de l'occasion, qui est principalement un marché privé. La demande n'est pas aussi importante qu'on l'avait estimé il y a quatre ou cinq ans.»
Ce risque de valeur résiduelle est inhérent à un contrat de leasing, reconnaît Blanckaert. «Les sociétés de leasing évaluent tous les risques, des coûts d'entretien et de réparation à l'usure des pneus, en passant par la dépréciation de la voiture. Pour les véhicules électriques, cet aspect n'est pas positif pour le moment, mais ces loueurs proposent bien sûr plus que des VE. La majorité des voitures en fin de contrat sont encore alimentées par de l'essence ou du Diesel, et là, la valeur résiduelle n'est pas problématique, bien au contraire.»
Pression sur les prix
Le marché de l'occasion reste largement un «marché des prix»: le consommateur se laisse guider par son portefeuille. «Bien que les prix des VE aient le plus chuté l'année dernière dans le segment du luxe, ces voitures restent souvent hors budget pour l'acheteur d'occasion», pense Filip Dobbeleir d'Indicata. «Le segment des petits à moyens VE fonctionne mieux sur le marché de l'occasion, mais même là, les prix restent relativement élevés par rapport aux modèles à motorisation conventionnelle. Conséquence: la pression sur les prix des VE est également forte dans ces segments.»
La prime d'achat flamande pour les véhicules électriques a d'ailleurs eu peu ou pas d'impact sur la demande de VE d'occasion. «Pour les voitures neuves, la prime de 5.000 € a bien eu un effet sur le nombre d'inscriptions, mais pour les occasions, nous n'avons pas ressenti cette vague. Les critères étaient également très stricts, ce qui a limité le nombre de modèles éligibles à la prime. Et même après déduction de la prime de 3.000 €, le prix de transaction d'un VE d'occasion restait au-dessus de la moyenne du marché», explique Dobbeleir, qui souligne également qu'environ 70% de toutes les voitures en fin de contrat des sociétés de leasing belges sont exportées à l'étranger.
Réaction de panique
Le fait que les sociétés de leasing perdent autant d'argent sur les voitures électriques aujourd'hui fait retentir l'alarme chez les actionnaires. Sous la pression des prêteurs, certains loueurs ont déjà ajusté à la baisse la valeur résiduelle. Cela a-t-il du sens? C’est sujet à débat. «En tant que société de leasing, vous ne pouvez pas baisser soudainement vos valeurs résiduelles – l'impact sur le prix de location serait si grand que vous vous écarteriez du marché par rapport à la concurrence», déclare Blanckaert.
Offrir moins ou même plus de VE n'est pas une option pour le directeur général de Renta. «Plus de huit voitures de leasing neuves sur dix commandées en Belgique sont aujourd'hui entièrement électriques. Si vous ignorez ce marché parce que les risques sont trop élevés, vous vous mettez hors-jeu aujourd'hui. De plus, les voitures qui circulent aujourd'hui n'entreront sur le marché de l'occasion que dans trois ou quatre ans au plus tôt. D'ici là, le marché sera sans doute beaucoup plus mature, même si la transition est plus lente que prévu.»
Soutien du constructeur
On peut se demander si les constructeurs eux-mêmes n'ont pas un rôle à jouer dans l'optimisation de la valeur résiduelle de leurs voitures électriques. Après tout, ils ont tout intérêt à ce que les sociétés de leasing continuent d’acheter des VE. Plus il y en a, mieux c'est, dans le cadre des objectifs d'émissions européen : les constructeurs qui n'atteignent pas leurs cibles de CO2 reçoivent des amendes sévères de l'UE, et chaque voiture électrique vendue est donc la bienvenue dans cette lutte.
«Autrefois, on travaillait parfois avec des rachats, en particulier dans la location à court terme», explique Stijn Blanckaert. «L'importateur vendait alors la voiture au loueur et la reprenait après la période d'utilisation à un prix convenu à l'avance (supérieur au prix du marché normal, afin de rendre les tarifs de location plus attractifs; NDLR). Ce type d'accords est en déclin. Je ne peux pas parler pour chaque société de leasing ou de location individuellement, mais il existe aujourd'hui d'autres mécanismes pour rendre les prix de location attractifs. Les constructeurs concluent des accords individuels avec les loueurs sur des mesures de soutien.»
Ce soutien peut prendre la forme d'une remise supplémentaire au début du contrat, mais il peut tout aussi bien s'agir d'une prime de valeur résiduelle lorsque la voiture est vendue sur le marché de l'occasion. «Le deuxième scénario est préférable, car avec des remises supplémentaires, vous pouvez vous tirer une balle dans le pied. Regardez Tesla, qui baisse régulièrement ses prix. Cette instabilité est néfaste pour la valeur de revente», raconte Blanckaert.
État de santé
Les constructeurs ont également un rôle à jouer dans toute cette question de la valeur résiduelle des VE. Les acheteurs d’un VE d'occasion veulent surtout être rassurés sur l’état de santé de la batterie, généralement couverte par une garantie constructeur de huit ans. «Les histoires les plus folles circulent sur l’état de santé des batteries des voitures électriques. C’est dommage», estime Filip Dobbeleir. «Bovag, l'organisme néerlandais de certification, est en train de finaliser une étude dans laquelle la santé de plusieurs modèles de VE est testée à l'aide d'appareils de mesure indépendants. Les chiffres officiels ne seront publiés qu'en novembre, mais il est déjà question de valeurs supérieures à 80% pour les voitures âgées de six à huit ans. Ces conclusions devraient dissiper le scepticisme autour des VE.»
Mentionner l'état de santé dans l'annonce de la voiture semble donc très recommandable pour Dobbeleir. À l'avenir, cela pourrait même devenir un élément obligatoire sur le CarPass. Le stigmate des véhicules électriques d'occasion risqués pourrait ainsi disparaître, bien que le consommateur ne soit pas facilement convaincu. Informer et sensibiliser sera donc un enjeu majeur dans les années à venir.
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