Concept Jeep Grand Cherokee 4xe
S’il y a bien une marque que l’on n’attendait pas au tournant de l’électrification, c‘est bien Jeep, tant l’imaginaire populaire l’associe toujours à des clichés US, faits du borborygme des V8 traversant un désert au soleil couchant. Mais pour que le soleil ne se couche pas justement sur l’avenir de la marque, il fallait qu’elle y passe aussi, sous peine de lendemains faits de clairs-obscurs peu réjouissants. Après tout, un autre monument y est passé aussi récemment, sur notre continent: JLR électrifie elle aussi ses mythiques Defender et Range Rover (Sport). Quant aux Européens premiums, ils y sont passés de longue date avec les versions PHEV des Audi Q7 TFSIe, BMW X5 50e, Mercedes GLE 350e et 400e (essence) et 350de (Diesel). Si Jeep voulait continuer à préserver son pré carré, il était logique, et attendu, qu’elle y vienne. La génération 2023 du Grand Cherokee (la 5e) est ainsi la première à recevoir une prise de courant depuis l’apparition du modèle en 1992. Cette génération 2023 du Jeep Grand Cherokee se signale visuellement par des nouvelles faces avant et arrière sur une plateforme globalement préservée, qui date encore de l’ère FCA, pré-Stellantis donc. Voilà donc la gamme PHEV «4xe» complète avec ce Grand Cherokee qui seconde désormais les Renegade, Compass et Wrangler. À noter que ce Grand Cherokee n’existe plus qu’en version hybride rechargeable, à l’exclusion de moteurs thermiques traditionnels.
En l’occurrence, cette technologie hybride rechargeable, grosso modo celle du Wrangler 4xe, se caractérise par l’association d’un moteur 4-cylindres 2 litres turbo à essence de 270 ch/400 Nm et de deux moteurs électriques (de respectivement 44 ch/53 Nm et 134 ch/264 Nm) qui, ensemble, développent 380 ch et 640 Nm, transitant par une boîte automatique à 8 rapports et par les 4 roues, mais pas en permanence, le train avant pouvant être désaccouplé pour quelques grammes de CO2 de gagnés. Le système fonctionne sous 400 V et promet jusqu’à 48 km d’autonomie électrique (WLTP), 51 en ville, pour une autonomie totale essence + électrique de 700 km. La batterie lithium-ion affiche une capacité de 17,3 kWh bruts, 14 nets.
Vocation premium oblige, mais aussi parce qu’elle permet de s’accommoder d’un poids non négligeable, la suspension (multibras à l’avant et 5 bras à l’arrière) fait d’office appel à des ressorts pneumatiques et à des amortisseurs pilotés. Ce qui permet au passage de disposer de plusieurs modes de conduite, y compris donc en tout-terrain: Auto, Sport, Rock, Mud/Sand. Deux types de transmission sont prévus selon les niveaux de finition, la plus simple Quadra-Trac II et la plus sophistiquée Quadra-Drive II, associée à la finition Trailhawk, plus spécifiquement destinée au tout-terrain sévère avec son blocage de différentiel arrière, ses pneus plus généreusement crantés montés sur des jantes de 18 pouces, ses protections inférieures et sa barre antiroulis avant déconnectable pour permettre de plus grands débattements de suspension. Avec la suspension pneumatique au plus haut, la profondeur guéable atteint 61 cm pour une garde au sol de 27,5 cm. Sur ces plans, les Anglais font visiblement mieux, avec par exemple 90 cm d’eau pour le Range Rover. Cependant, grâce à ses équipements spécifiques, une version Trailhawk a officiellement franchi le très redouté test du Rubicon Trail, cet itinéraire mythique de 35 km dans la région du lac Tahoe aux États-Unis, en mode… 100% électrique. Preuve qu’électricité et aptitudes au tout-terrain ne sont pas forcément incompatibles.
Conduite Jeep Grand Cherokee 4xe
Nous avons pu prendre brièvement le volant de ce nouveau Grand Cherokee 4xe 2023 en Espagne, d’abord sur des autoroutes bien revêtues où, de fait, le confort de suspension apparaît de haut niveau et où sa masse conséquente et son gabarit non négligeable ne constituent pas réellement des handicaps. Le Grand Cherokee peut filer à une allure raisonnable dans un silence agréable, les occupants étant installés dans des sièges accueillants, éventuellement bercés par une installation audio McIntosh de qualité. Néanmoins, dans un véhicule de cette longueur, 4,92 m, on aurait pu espérer une habitabilité arrière plus généreuse. En l’occurrence, elle est correcte, mais pas forcément impressionnante. Comme le volume de coffre, d’ailleurs, apparemment mangé par la technologie hybride qui ne lui permet d’afficher que 471 litres. Volume qui peut passer à 1.436 litres banquette rabattue.
Le bilan se détériore cependant dès que l’on quitte l’autoroute du fait d’un léger manque de cohérence du système hybride, dont le fonctionnement n’apparaît pas aussi fluide et coulé que chez certaines concurrentes, essentiellement allemandes pour le coup, où les transitions sont souvent imperceptibles, y compris d’un point de vue sonore. Dans le Grand Cherokee, on a un peu plus l’impression d’une certaine rugosité, surtout quand le moteur thermique se remet en route au prix d’une sonorité très quelconque et assez présente dans l’habitacle. On note aussi certaines hésitations de la part de la gestion de la boîte automatique, qui s’emmêle parfois un peu les pinceaux entre deux rapports. Autrement dit, le système hybride (configurable en 3 modes: Hybrid, Electric, eSave) fonctionne, mais peut-être pas avec le raffinement attendu à ce niveau de gamme et de prix. Et sur les petites routes, la suspension sophistiquée fait ce qu’elle peut pour tenter d’endiguer les effets néfastes d’une masse conséquente, mais de miracles, elle n’en est pas capable. L’impression d’inertie, que ce soit en phase de freinage, lors des relances ou en courbe, apparaît assez vite. Dès lors, on se prend plutôt à adopter un rythme de sénateur, en profitant essentiellement des indéniables qualités de confort de ce Grand Cherokee, en se laissant bercer par son dodelinement. Il s’en dégage de fait une impression de force tranquille qu’il ne fait pas bon brusquer. Après tout, c’est assez cohérent.
Vient ensuite l’épreuve de la piste. Avec son Selec-Terrain, sa boîte de transfert qui lui permet de disposer d’une gamme de rapports courts et ses angles caractéristiques a priori intéressants vu la faiblesse des porte-à-faux avant et arrière (angles d’approche, central et de sortie de respectivement 35, 29,8 et 22,2°), cette Jeep paraît bien équipée, même si comme toujours, ce seront les pneus qui fixeront les limites. De fait, même avec les grandes roues de 21 pouces qui équipaient l’un de nos exemplaires d’essai, le filtrage sur les chemins non revêtus s’est montré excellent et l’on a pu noter aussi l’absence de bruit de mobilier, ce qui traduit a priori une qualité de fabrication rassurante. Avec ses pneus au profil routier, ce Grand Cherokee peut déjà s’aventurer assez loin hors des sentiers battus, du moins sur un parcours sec et se montre capable de choses étonnantes, allant jusqu’à des croisements de ponts, des ascensions vertigineuses et un contrôle de lui-même dans les descentes abruptes. Et il est vrai que dans ces conditions, l’électricité peut se révéler une alliée avec le couple instantané qu’elle dispense, à condition de se montrer circonspect avec l’accélérateur. Car parfois, trop de couple est l’ennemi du bien. Elle permet en tout cas de passer en douceur là où, sans doute, le thermique aurait demandé de passer en force. Donc, sans être aussi «jusqu’au-boutiste» qu’un Wrangler, plus radical et plus compétent encore en tout-terrain sévère, le Grand Cherokee permet d’amener le luxe assez loin vers un horizon dessiné au loin par des chemins de traverse. Et donc, oui, il apparaît conforme à la réputation de Jeep en la matière. L’honneur est sauf sur ce point.
Verdict Jeep Grand Cherokee 4xe
Au bout du compte, cette Jeep Grand Cherokee 4xe a le mérite d’apporter une touche exotique dans un segment trop sous l’emprise de la grisaille germanique. Une contre-proposition, qui ne manque pas de charme ni d’atouts. Cependant, on se demande qui il va bien pouvoir intéresser. Pas le particulier lambda, vu son prix proche des 100.000 euros. Quant au professionnel qui mise sur un avantage fiscal en termes de déductibilité du fait de sa technologie PHEV, ce sera de toute façon fini dès le 1er juillet de cette année. Et de surcroît, cette Jeep ne pouvait y prétendre vu ses émissions de CO2 de 60 g/km WLTP, bien au-delà du seuil des 50 g.
Pour autant, il semblerait que le maigre quota d’exemplaires dévolu à la Belgique soit déjà épuisé. Soit notre pays compte une poignée d’irréductibles fans de Jeep. Soit ce quota était… pour le moins marginal. Il faut donc voir ce Grand Cherokee comme une étape de transition, qui comptera peut-être sur certains marchés, avant la véritable révolution électrique, amorcée avec le petit Avenger et qui se poursuivra rapidement avec les futurs Recon et Wagoneer S.
- Confort sur bonnes routes
- Réelles aptitudes au tout terrain
- Équipement de série fourni
- Prix de base (93.000 €), valeur résiduelle ?
- Manque de raffinement du système 4xe
- Intérêt fiscal inexistant
Dans cet article : Jeep, Jeep Grand Cherokee
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