697.612 km : voilà le kilométrage à effectuer selon le professeur spécialisé en Énergie de l’Université de Liège, Damien Ernst, pour qu’une voiture électrique équipée d’une batterie de 80 kWh commence à émettre moins de CO2 qu’une voiture thermique. Ce chiffre nous a d’emblée laissé perplexe car le calcul oubliait plusieurs variables, à commencer par l’empreinte CO2 de la voiture thermique ou le coût d’extraction, de raffinage ou de transport du pétrole. Conscient de ces manquements, le professeur est revenu avec de nouveaux chiffres, nettement plus réalistes. Et défendables.
Polémique
Le sujet de la RTBF a fait couler beaucoup d’encre, car il a été repris par la presse belge et même étrangère. Avec internet, l’information n’a naturellement plus de frontières. À la demande de la RTBF, le professeur Damien Ernst s’est remis à table le week-end dernier pour affiner ses calculs et les rendre plus « concordants » avec d’autres études existantes, dont celles de l’ADEME en France (l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) qui mène des travaux très sérieux sur l’impact de la voiture électrique et qui la consacre aujourd’hui comme moins émettrice de CO2 sur toute sa durée de vie.
Coût global
À l’origine de la polémique, le calcul de Damien Ernst ne prenait en compte que certains des éléments de l’équation qui pouvait servir à déterminer l’empreinte CO2 d’une voiture électrique. Il en négligeait d’autres, comme le coût CO2 de la production d’un kWh d’électricité, le coût CO2 de la production de la batterie elle-même ou encore le coût CO2 de l’extraction, du raffinage et du transport du pétrole jusque dans les réservoirs des automobiles.
Plus que 34.762 km
Au terme de son long calcul (les plus motivés peuvent en prendre connaissance ici), on n’arrive plus au final qu’à un kilométrage à effectuer de 34.762 km pour que la voiture commence à émettre moins de CO2 qu’une voiture thermique. On est donc bien loin des presque 700.000 km initialement évoqués. Mais à condition insiste le professeur Damien Ernst de ne pas prendre en considération les méthodes souvent douteuses des entreprises chinoises pour construire lesdites batteries. Bref, les nouveaux calculs nous laissent avec un résultat sans doute plus réaliste, mais à notre sens pas encore entièrement défendable. Car rappelons que le calcul ignore toujours totalement la différence de coût CO2 entre la production d’une voiture thermique (métaux, circuits imprimés, moteurs, boîtes de vitesse, etc) et une électrique. En outre, le coût de production d’un kWh nous semble aussi discutable (550 g/kWh de CO2 pour la production et 317 g/km à l’utilisation). Ce que l’outil de visualisation en temps réel du mix énergétique européen semble aussi démontrer (https://www.electricitymap.org)
Critiques
Que conclure de cette polémique ? Premièrement, que des calculs précis sont très difficiles à établir et qu’ils soulèveront encore les débats à l’avenir. Et, deuxièmement, qu’il faut rester réaliste : tout objet quel qu’il soit aura toujours une empreinte carbone de par sa production, son utilisation et son recyclage. La voiture électrique n’y échappe pas, pas plus que les vélos. Dès lors, vouloir fustiger la voiture électrique pour ce qu’elle n’apporte pas n’est pas constructif. Réfléchissons plutôt à ce qu’elle nous procure : plus de silence, des styles de conduite moins agressifs (c’est prouvé), un coût CO2 inférieur (puisque le véhicule thermique continue lui à émettre plus fortement) ainsi qu’une réduction immédiate des NOx et des particules fines dans nos environnements directs au bénéfice de la qualité de l’air. C’est déjà beaucoup, sachant que la voiture électrique ne représente pas non plus LA solution ultime à nos préoccupations.
Conclusion
Nous avons tendance à systématiquement privilégier une seule et unique solution qui serait transposable et solutionnerait tous les problèmes. Ce qui n’est pas vrai. La voiture électrique ne constitue dès lors que l’un des moyens pour faire évoluer notre mobilité et réduire l’impact environnemental, à condition que les politiques aillent vers la production d’une électricité toujours plus « verte ». Mais il y en a d’autres : le covoiturage, les transports en commun, les trottinettes électriques, le vélo, la marche à pied, le télétravail, la voiture à hydrogène (si, si !) ou au gaz naturel… Une tempête dans un verre d’eau ? À peu près. Mais manifestement surtout une bataille de plus entre les défenseurs et les détracteurs de la voiture électrique.
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