Opinions / Rédacteur sans filtres - ISA belle arnaque

Au-delà de leur rigueur journalistique et de leur point de vue de professionnels de l’automobile, les membres de la rédaction sont avant tout des automobilistes et des citoyens lambda. Dans « Rédacteurs sans filtre », c’est le cœur qui s’exprime avant tout ! Aujourd’hui, Olivier Duquesne - journaliste du Moniteur Automobile - nous fait parle des dangers des assistances à outrance.

Les aides actives à la conduite ont leur utilité et participent à la sécurité routière (et aux 5 étoiles EuroNCAP). Je dois bien l’avouer, cela m’a sauvé au moins une fois d’un accident qui aurait pu être sérieux. Même si bien souvent, ayant gardé de bons réflexes, je réagis généralement avant l’électronique. Électronique qui, par contre, a parfois des réactions étonnantes. L’alerte de collision s’active régulièrement à proximité de mon domicile dans un long virage où des voitures peuvent se stationner. Le détecteur reste persuadé que je me dirige tête baissée vers ces véhicules. Au mieux, cela clignote, au pire, la voiture ralentit par elle-même. L’alerte de franchissement de ligne est un autre compagnon de route bien pénible. Il lui arrive de voir des lignes qui n’existent pas… Et bien sûr de ne pas voir celles qui ont été (un peu) effacées avec le temps. Résistance au volant, vibrations, sifflements. Autant d’éléments perturbateurs et énervants. Tout comme le correcteur de trajectoire qui oublie certaines bases de la conduite dynamique responsable. Résultat des courses : on débranche vite tout ça.

Mais le pire est à venir. Tous les nouveaux modèles homologués devront être équipés, entre autres, d’ISA dès ce mois de juillet 2022. ISA pour « Intelligent Speed Assistance » officiellement traduit par « Adaptation intelligente de la vitesse ». Globalement, le principe est de renforcer l’acuité visuelle du conducteur par une caméra capable de lire la signalisation routière des limitations de vitesse. Laquelle peut se fier également, dans les versions les plus sophistiquées, sur les données de la navigation. Très joli sur le papier et théoriquement assez convaincant pour pousser le législateur européen à nous l’imposer de force. Pourtant, dans les faits, l’efficacité est toute relative. Dans le magazine Le Moniteur Automobile du 22 juin prochain, vous découvrirez à quel point cette technologie est perfectible. Les erreurs sont nombreuses, mettant même parfois les occupants du véhicule en péril par un comportement erratique et dangereux. Un ralentissement inopportun peut mener à une situation de stress ou même sournoise sur la route. De plus, ISA ne manque pas de se plaindre à chaque microdépassement de la limitation constatée au compteur, sans la moindre marge de tolérance par rapport à la vitesse réelle.

À trop vouloir confier nos vies à des machines soi-disant infaillibles, on oublie un élément essentiel de la technologie. Quel qu’il soit, un robot ne fait jamais que reproduire des scénarios prédéfinis profitant de sa grande capacité de calcul pour choisir une solution et réagir au quart de tour. Toutefois, la machine ne peut faire preuve de discernement et d’improvisation. Et surtout, elle n’a pas peur de mourir. Lui donner carte blanche et la placer en juge-arbitre sévère et intransigeant, c’est faire preuve de peu d’empathie et de confiance en l’humanité. Sommes-nous tous des criminels en puissance dès que l’on prend le volant ? Certainement pas. Une grande majorité d’entre nous tient à rester raisonnable dans les limites de ses capacités et dans le devoir du respect mutuel. Même si cela n'interdit pas quelques entorses légères au Code de la route et des injures sur l’un ou l’autre conducteur quelque peu maladroit (ou surpris par une aide à la conduite qui prend le dessus sur lui). Il nous arrive à tous d’être imprudents parfois, pas uniquement au volant. Cela peut être simplement dû à la distraction ou à la méconnaissance d’un danger ou par un sursaut d’émotions perturbant l’analyse rationnelle d’une situation à risque. Dans ces conditions, il est bon d’avoir un coup de main électronique pour nous mettre en garde, nous épauler et nous guider, voire réagir correctement en dernier recours. Mais pas pour prendre notre place en permanence. Car l’être humain a une capacité hors du commun : l’instinct de survie. Une peur de la souffrance et de la mort qui est un frein efficace à l’irresponsabilité pour la quasi-unanimité d’entre nous !