Edito / Édito - De travers, en travers (de porc)…

Grand dieu que ce métier de journaliste automobile est devenu complexe. C’est le privilège d’avoir emmagasiné plus de 30 ans d’expérience que de voir comment il a évolué, et en profondeur. A mes débuts, avec l’équipe de Bruxelles complétée de celle de Paris (jamais la dernière à monter – ou à boire – des «coups»), il suffisait de rassembler quelques GTI ou des sportives pour de bonnes séances de travers «de porc» sur un circuit ou de quadriller la France avec des engins démoniaques à des moyennes horaires qui l’étaient tout autant pour en ramener des «comparos» de folie qui figuraient en bonne place sur la couverture du Moniteur Automobile, avec à la clé, des ventes qui alimentaient les conversations de bistrot entre passionnés. Les consommations moyennes hallucinantes n’étaient pas un problème. Ou plutôt une préoccupation secondaire, loin derrière les débats animés sur les comportements routiers, le freinage, les «accél’», avis souvent étayés par les commentaires de pointures, Paul Frère et Pierre Dieudonné en tête. Aujourd’hui, on volerait en prison pour bien moins que ça et l’opinion publique de la bien-pensance nous clouerait au pilori et nous lapiderait à coups de trottinettes électriques et de vélos-cargo. Le mot «automobile» en lui-même est devenu un gros mot. La mobilité individuelle un truc d’égoïste. Émettre une opinion divergente ou dissonante, à contre-courant d’un flot de pensée unique alimentée par des médias qui n’osent plus l’analyse critique et le recul pour leur préférer une course au clics et aux followers, devient carrément dangereux à l’heure où il est devenu si facile de se cacher derrière l’anonymat des réseaux (a)sociaux.

«Aujourd’hui, la bien-pensance nous lapiderait à coups de trottinettes électriques et de vélos-cargo…»

Malgré tout, je continue à clamer mon amour pour la bagnole (tant qu’on me laisse faire), celle qui nous rapproche, nous émancipe, nous fait voyager, rêver, nous fait nous rencontrer, nous fait débattre, découvrir. Mais elle doit s’adapter. Peu importe qu’elle soit électrique. Même si je les préfère thermiques à titre personnel. Je ne suis pas obtus ni adepte du courant de pensée qui veut que «c’était mieux avant». C’était différent. À force en effet de considérer que tout était mieux avant, on en serait encore à l’âge de pierre. Aujourd’hui donc il convient de parler d’autonomie WLTP, de temps de recharge, de la menace chinoise, de capacités de batterie,… C’est comme ça, et ça ne me dérange pas. Il faut vivre avec son temps. S’adapter ou mourir. Mais dieu que c’est devenu difficile. Entre des constructeurs qui, pour certains, pensent encore qu’une électrique de 600 ch et de 2,5 tonnes a du sens et des consommateurs-clients qui rêvent d’électriques (puisque c’est ce qu’on leur impose) abordables et pratiques, le fossé se creuse. Messieurs les constructeurs, si vous reveniez un peu les pieds sur terre, vous contribueriez sans doute à une meilleure acceptation de l’automobile dans la société. Même si pour ma part, égoïstement, je suis heureux d’être plus proche de la fin de carrière qu’au début… Tant que ça dure, n’est-ce pas?