L’Europe tergiverse, discute, se concerte, se réunit, se dit « préoccupée ». Les sujets sur la table sont nombreux et aussi divers que les positions des États membres sur plusieurs enjeux stratégiques. Cernée entre trois puissances majeures – la Chine, la Russie et les États-Unis – qui ne s’embarrassent guère de diplomatie, elle se retrouve face à elle-même, à ses responsabilités et à un tournant de son histoire. Comment parler d’une seule voix – et surtout se faire entendre, voire respecter – lorsqu’elle est représentée par des «délégués» issus de 27 pays différents, chacun ayant son propre calendrier électoral et donc politique?
Son projet d’imposer la voiture zéro émission, et donc électrique, dès 2035 partait d’un bon sentiment, certes. L’Europe en donneuse de leçons environnementales au monde, pourquoi pas? Après tout, il n’est pas interdit d’avoir de l’ambition. Mais lorsque l’ambition idéologique se heurte à la réalité du terrain, elle voit généralement ses ailes coupées. Suite à cette décision, prise dans la précipitation dans la foulée du Dieselgate, les constructeurs locaux se sont lancés à grands frais dans l’électrification, de manière plus ou moins volontaire selon les cas. Mais imposer une technologie que le consommateur lambda ne peut pas acheter, à quoi cela sert-il? Tout le monde ne peut pas mettre 40.000 ou 45.000 euros dans la voiture – électrique – du ménage. Dès lors, certaines marques ont revu leurs ambitions d’électrification à la baisse, temporisent, relancent du thermique «en attendant», au risque de se voir infliger des amendes colossales de la part de... l’UE pour dépassement des quotas d’émission de CO₂. À moins d’acheter des « permis de polluer » à ceux qui ne sont pas concernés parce qu’ils ne commercialisent que de l’électrique: l’Américain Tesla ou le Chinois BYD, par exemple. Ce faisant, l’Europe affaiblit sa propre industrie automobile et enrichit... ses concurrents. Était-ce bien là l’effet recherché ?
CETTE STRATEGIE INTEGREE «DU PUITS AU CLIENT FINAL», EST EN L’OCCURRENCE ASSEZ INEDITE DANS L’HISTOIRE...
En attendant, certains se posent moins de questions et sécurisent leurs arrières. C’est l’agence Reuters qui le rapporte: BYD, leader mondial de la voiture électrique/électrifiée (4,21 millions de voitures écoulées en 2024, soit +41 % par rapport à 2023), en lutte avec Tesla, a ainsi acquis en 2023 des droits miniers pour deux sites d’extraction de lithium au Brésil, dans une région proche de celle où il va construire une usine d’assemblage de véhicules électriques. À ce jour, son plus gros projet en la matière en dehors de la Chine. BYD, par ailleurs actionnaire de plusieurs compagnies minières chinoises, est aussi sur les rangs – toujours selon Reuters – pour répondre à un appel d’offres visant un projet d’extraction de lithium au Chili. Avec un peu d’imagination, c’est un peu comme si un conglomérat saoudien avait décidé, entre les années 1970 et 1990, d’extraire du pétrole, de le raffiner (jusque-là, rien d’extraordinaire), mais aussi de construire et de nous vendre les voitures qui allaient avec. Cette stratégie intégrée «du puits au client final», est en l’occurrence assez inédite dans l’histoire de l’industrie automobile. Et pendant ce temps-là, que fait l’Europe? Elle se concerte et se dit «préoccupée»...

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