Pour beaucoup, les années 90 représentent le dernier âge d’or de la voiture sportive et de prestige à la française. MVS Venturi, Peugeot 306 S16, Berlinette Hommell, Renault Safrane BiTurbo et bien d’autres symboliseront cette décennie bleu-blanc-rouge. Pourtant, du côté du losange, l’Alpine A610 ne trouvera pas de descendante pour des raisons pécuniaires. De plus, le Directoire n’y croit plus.
Pourtant, à cette époque-là, les succès en Formule 1 de Williams-Renault sont l’occasion rêvée de capitaliser sur une image très forte. Peut-être même de créer une nouvelle marque, griffe des Renault affûtées modernes. Le «BMW Motorsport» de Renault, en somme. C’est ainsi que naquit Renault Sport. Ce label sort en 1995 cet incroyable Spider, qui sera rejoint un an plus tard par un autre roadster venu d’outre-Manche, la Lotus Elise Mk1 à moteur Rover. Le Spider improbable made by Renault remplacera les Alpine sur les fameuses chaînes de Dieppe, ainsi que sur les circuits de France et de Navarre.
Sans superflu
C’est sûr, on n’a jamais vu une Renault de production aussi « disruptive »… On était habitué aux Renault sportives où le credo était de glisser un gros moteur dans un petit modèle de la gamme. Ici, l’homologation routière de ce curieux engin permettra de rentabiliser la conception des Spider Trophy développées initialement pour une coupe monomarque. Imaginez donc une barquette à moteur central arrière dans le catalogue d’un généraliste. Totalement inspirée des voitures de compétition des années 50 et 60… Avec le pare-brise figurant au catalogue des options. Oui, oui. On l’aurait bien vue dans le catalogue Alpine des années 1960, c’est dire.
Pour confirmer cet héritage, les blocs optiques protégés derrière un large plexiglas rappellent ceux de l’Alpine A220. Le profil galbé est souligné d’une prise d’air latérale béante donnant vers le moteur. Un arceau central tubulaire rigidifie la voiture. Le large capot arrière compose avec la partie inférieure peinte en anthracite. Les doubles feux ronds sont de rigueur. Et pour accéder à cet univers rudimentaire, des portières en élytre rappellent les Lamborghini… Pas de toit au programme. Une simple toile, de piètre qualité, était possible sur la version « pare-brise ». Mais interdiction de dépasser les 90 km/h. Sous peine d’effet « parapente » ! La Spider propose un tonneau cover « dézippable » pour le côté conducteur… Rétro !
À l’intérieur, l’ascèse est évidemment de rigueur. L’aluminium aux soudures apparentes règne en maître. La fonction avant la forme ! L’ensemble de l’instrumentation à aiguilles (compte-tours, jauge d’huile et température moteur) est aidé par un compteur central digital avec jauge de carburant inspirée de la Twingo. Vous avez bien vu, il n’y a pas de commande de chauffage… L’habitacle de la Spider est chauffé en permanence par le radiateur d’eau, même en été ! Mais cette présentation dans sa plus simple expression peut se parer de raffinements. Outre le pare-brise chauffant optionnel, la Spider peut aussi disposer si besoin d’un airbag, de sur-tapis, d’une radio… Bon, ok, pourquoi une radio quand le vrai concert se joue derrière vos têtes ?
Un bloc de choix
Sous le capot se cache une motorisation unique. Il s’agit du 4-cylindres 2.0 atmosphérique multisoupapes « F7R » de 150 ch issu de la Clio Williams (puis de la Mégane Coupé 16v), lui-même dérivé de la Clio 16s contemporaine. Une telle puissance emmène les 930 kg de la sportive (965 avec l’option « pare-brise ») à 100 km/h en 6,9 s (7,2 pour la « PB ») et à une vitesse maximale de 213 (204) km/h). Lancée en 1996, la Lotus Elise, motorisée par un 1.8 Rover de 120 ch abat le 0 à 100 km/h en 5,9 secondes… Que voulez-vous, 200 kg de moins pèsent sur la balance !
Une voiture à vivre !
Cette différence de poids joue donc en faveur de l’Elise. Les éléments de châssis en aluminium de cette dernière sont collés à la résine époxy. La Spider, elle, a son châssis complètement soudé. Ceux qui grimperont à son bord le comprendront très vite…
Au volant, pas d’assistance. La Spider se pilote, monsieur. Il ne se conduit pas ! L’architecture des suspensions reprend des idées de la compétition (pour laquelle elle a été initialement imaginée) inédites sur une voiture homologuée route. En témoignent les amortisseurs disposés horizontalement et non verticalement comme sur votre R21 Nevada… Bon, on est d’accord, la seule route qu’elle connaîtra sera celle qui sépare votre domicile du circuit… Et des cols de montagne si possible libres de caravanes hollandaises !
Produite à 1.726 exemplaires de 1995 à 1999 (dont 90 « Trophy »), la Spider est un oiseau rare. La majorité sera vendue en France et en Allemagne. Les chaînes de Dieppe, berceau d’Alpine, céderont leur place à la Renault Clio Sport ainsi qu’à la désormais célèbre Clio V6, dont le châssis des Phase 1, dont le développement avait été confié à TWR qui aura bâclé le boulot, sera la cause de la perte d’un certain nombre d’exemplaires… Par chance, pas mal de pièces portent des références du catalogue classique Renault (et même en creusant, parfois d’ailleurs) : la mécanique, les poignées de porte, certaines commandes intérieures, etc. Ce sont sans surprise les pièces spécifiques, notamment les panneaux de carrosserie, qui feront mal au budget. Une majorité de versions « PB » à pare-brise seront produites, les version « SV » (saute-vent) seront plus rares.
Contrairement aux Renault collector « malgré elles » (Avantime et compagnie), la Spider l’a été dès sa sortie. Il va sans dire que sa cote est montante. On les voit actuellement dépasser allègrement les 30.000 €, voire 40.000 € pour certaines. Loin des tarifs d’une Elise ou d’une Opel Speedster, c’est l’occasion d’avoir une voiture peut-être moins efficace, mais beaucoup plus exclusive et unique. Et beaucoup plus « brute » de fonderie ! Quoi qu’on en dise, la Spider a permis au losange et à sa branche sportive de garder la flamme, de nous offrir des déclinaisons délurées très intéressantes (Mégane R.S.…) ainsi que, plus tard, de faire renaître Alpine !
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