Contrairement à ce qui se raconte fréquemment, si elle n’est pas l’œuvre du comte Albrecht von Goertz (qui avait signé précédemment les modèles 503 et 507 pour BMW et inspiré quelques traits de départ ayant abouti finalement à la fabuleuse Toyota 2000 GT), la silhouette de la 240 Z, mieux connue sous le nom de Fairlady Z dans son pays d’origine, a clairement été influencée par les travaux de ce designer hors-pair lorsqu’il a travaillé en tant que consultant pour Datsun (devenu Nissan au début des années 80) de 1963 à 1965. Cette précision apportée, la « petite Type E japonaise » a considérablement et durablement contribué à façonner l’image du constructeur, lui insufflant, avec la Skyline, la note sportive qui a longtemps manqué à Toyota.
À l’heure de la retraite, en 1974, la 260 Z qui lui succéda en reprit intégralement les formes, du moins sur certains marchés. En Europe, nous avons eu droit à la version 2+2, très élégante mais forcément moins sportive. Un virage s’amorçait, virage qui allait se renforcer avec la venue des 280 Z et 300 ZX « Z31 » qui, petit à petit, signaient la mort du modèle ou, du moins, la disparition de son âme. Du moins, le pensa-t-on à l’époque.
Émergence de la « Z32 »
Conscient du problème, le constructeur allait proposer prudemment une première réponse sous la forme de la 200 SX, qui reprenait, peu ou prou, l’esprit de la 240 Z. Encouragé par le succès de celle-ci, Nissan accélérait le développement d’une nouvelle 300 ZX (« Z32 »), authentique voiture de sport et rivale toute désignée sur le territoire US de la Corvette (C4 à cette époque) où les modèles Z ont de tout temps fait un tabac commercial. Voire de la tout aussi exotique Mitsubishi 3000 GT, sa contemporaine. Et pour elle, rien ne fut trop beau.
Ainsi, pour la ligne, il fut fait appel à Fumio Yoshida, qui n’est autre que le designer de la 240 Z. Charge à celui-ci de transposer à la nouvelle Z tout ce qui faisait les gènes, la subtilité et le charme en sus, de sa devancière, en intégrant ceux-ci aux contraintes et exigences du moment. L’empattement fut allongé et les porte-à-faux raccourcis, ce qui modifia considérablement les proportions. Pour gagner en sportivité, les ailes se musclèrent, ce qui permit au passage d’intégrer une monte pneumatique plus large, à la hauteur des ambitions et des capacités du modèle.
V6 bi-turbo
Confiant dans ses efforts destinés à créer une GT d’exception, Nissan n’hésitait pas à le revendiquer, comme en témoigne le texte d’ouverture de la brochure de présentation de la 300 ZX : « Oubliez tout ce que vous avez jamais lu ou entendu à propos des voitures de sport. La Nissan 300 ZX en donne une nouvelle définition ». Une prose un rien fanfaronne, mais pas complètement mensongère si l’on examine en détail la fiche technique.
Sous le nez plongeant qui a fait l’impasse sur les phares escamotables pour leur préférer deux blocs fixes (pour l’anecdote, Lamborghini reprendra ceux-ci pour équiper sa Diablo SV à partir de 1998 !) est logé un remarquable 6 cylindres en V de 3 litres gavé par deux turbos (un par banc de cylindres) Garrett T25 avec turbine T2, dont l’action est renforcée grâce à deux échangeurs de chaleur. De ce bloc sort la coquette puissance de 282 ch au régime maxi de 6400 tr/min et surtout est fourni un couple solide de 375 Nm à 3600 tr/min. Si ce moteur en V à 60° a été élaboré au départ de celui apparu en 1984 sur la 300 ZX de la génération précédente, rebaptisé VG30DETT, il n’a plus grand-chose à voir dans les faits avec son aîné. En effet, ses culasses, son collecteur d’admission, son bloc-moteur ainsi que son vilebrequin sont nouveaux. Il dispose en outre désormais de 24 soupapes et, de surcroît, a doublé la mise en matière de turbo, sans même parler de l’adoption d’une injection directe gérée par un système électronique ECCS.
Super HICAS
Pour en tirer toute la quintessence, Nissan a accouplé ce moteur à une boîte manuelle à 5 rapports ou, moins recommandable, à une transmission automatique à 4 vitesses, un organe forcément plus daté aujourd’hui dans la mesure où les meilleures boîtes auto actuelles intègrent jusqu’à dix vitesses. Autre raison de ne pas choisir la boîte auto, le fait que la puissance du moteur était abaissée à 268 ch et le couple amputé de 5 Nm. Notons au passage la présence d’un viscocoupleur dont la mission est d’empêcher tout patinage excessif des roues motrices.
Aucune économie n’a été réalisée sur les trains roulants. Ainsi, pour les suspensions, il a été fait appel à des doubles triangles à l’avant et à un essieu à 5 bras à l’arrière, celui inauguré sur la 200 SX mais revu au niveau des attaches, qui sont ici 20 % plus rigides. Une des astuces pour offrir à la 300 ZX un comportement raffiné et de favoriser sa vivacité sur un tracé sinueux consiste dans son train arrière autodirectionnel à contrôle électronique Super HICAS. De quoi s’agit-il? Travaillant en fonction de la vitesse et de l’angle donné par le volant, ce dispositif autorise des micro-braquages des roues arrière, opérés dans le sens contraire des roues avant afin de rendre plus rapide et plus fluide le placement de ce lourd coupé (1585 kg tout de même) en entrée de courbe.
Pour ralentir celui-ci, de gros disques ventilés, de grand diamètre pour l’époque (280 mm à l’avant, mangés par des étriers à 4 pistons et 297 mm à l’arrière, pincés par des étriers à 2 pistons), ont été installés, le système étant complété par un ABS Bosch. Du classique et de l’éprouvé pour la direction : il s’agit d’une crémaillère dotée d’une assistance variable en fonction de la vitesse.
Donnée ?
Sur le papier, l’offre se veut séduisante. Elle devient même franchement alléchante lorsqu’on découvre son prix de vente. Facturée 2.295.000 FB en version manuelle et 2.394.750 FB en automatique, la 300 ZX richement équipée (le T-roof fait partie de la dotation d’origine et la liste d’options est réduite à la portion congrue) est sensiblement plus abordable que ses concurrentes directes et pratiquement deux fois moins chère que sa rivale la plus prestigieuse, à savoir la Ferrari 348 TS, affichée alors à 4.315.850 FB. La position de conduite est relativement vite définie... par la faute d’un volant qui n’est réglable ni en hauteur, ni en profondeur. Cette lacune est partiellement compensée par le réglage en hauteur électrique du siège, mais pas complètement.
Malgré la présence de deux turbocompresseurs qui, en principe, étouffent la sonorité, le moteur distille une jolie mélodie, plus proche d’un gros V8 bien coupleux que d’un frêle V6. Pour s’extraire du parking, la 300 ZX n’est pas la plus brillante. Deux raisons à cela. Primo, une visibilité périphérique loin d’être parfaite, surtout sur les 180° arrière. Secundo, et si cela ne gênera aucun citoyen US, un diamètre de braquage excessif qui vous obligera à multiplier les manœuvres.
26,7 s au 1000 m DA
Avec près de 300 ch sous le capot, il est légitime de s’attendre à des performances ébouriffantes. Le contrat est rempli, puisque le 0 à 100 km/h est franchi en 6,5 sec à peine et le 1000 m départ arrêté bouclé après 26,7 sec. Quant à la vitesse, il faudra vous contenter de buter sur le mur des 250 km/h, ce seuil ayant été limité de manière électronique. Encore vous faudra-t-il trouver le terrain de jeu autorisant cet exercice...
Toute chose ayant un prix, l’appétit de la 300 ZX se situe aux alentours des 15 l/100 km, un pied très léger ne permettant guère de descendre sous les 12 voire 13 l/100 km. C’est évidemment beaucoup par les temps qui courent et ne vous fera aucun ami parmi les rangs des écologistes les plus obtus.
Tony fut conquis
Pour oublier ou du moins minimiser cet inconvénient, évoquons le comportement routier. À ce sujet, Tony Verhelle écrivait dans le numéro 951 du 17 mai 1990 : « Tenue de route phénoménale en virage, alliée à une excellente stabilité en ligne droite, le tout complété par une bonne motricité ». Et d’ajouter, subjugué par le Super Hicas : « Le résultat est impressionnant. La 300 ZX se place immédiatement, de la meilleure manière, comme rivée au sol. Même les erreurs de pilotage les plus grossières, comme un lever de pied en appui ou un freinage en courbe, ne réussissent pas à la faire décrocher. Jamais nous n’avons conduit une voiture, à ce niveau de performances, qui soit aussi tolérante, aussi généreuse, bref qui rende le pilotage aussi facile ».
Parfait, le bilan dynamique ? Pas exactement. S’il n’y a rien à redire sur la tenue de route et le comportement dynamique, il y a plus à critiquer en matière de freinage. La faute... à l’Amérique, plus précisément à la préférence des utilisateurs américains qui exigent un freinage doux et silencieux, quel que soit l’usage. Cela impose un choix de matériaux spécifiques pour les disques comme pour les plaquettes qui, hélas, fonctionnent moins bien selon nos critères. Cela se traduit par un manque de mordant à l’attaque de la pédale et une piètre endurance lorsqu’on hausse la cadence, sans même parler des vibrations ressenties dans la pédale et des tremblements perceptibles dans le volant. Pas beaucoup de solutions envisageables pour corriger ce problème sinon que de baisser le rythme et d’adopter une allure de sénateur... au pire pressé, ce qui vous donnera l’occasion de profiter pleinement de rouler cheveux au vent, panneaux de toit rangés dans le coffre !
Accessible ?
Aveuglé par le marché américain qui l’a bien mal récompensé pour tous ses efforts, Nissan est donc passé à côté de la montre en or avec sa 300 ZX, qui aurait pu devenir la référence de son segment et connaître une tout autre destinée. Elle reste aujourd’hui une voiture intéressante à plus d’un titre et dont la moindre qualité n’est pas de rester accessible sur le plan financier, sans même parler d’une grande fiabilité (en revanche, attention au prix des pièces en cas de remplacement et/ou de casse). S’il est possible d’en trouver un exemplaire dès 15.000 €, d’une façon plus réaliste et avec des critères de qualité plus élevés, il faut tabler sur une enveloppe comprise entre 23 et 30.000 € pour un engin raisonnablement kilométré et beaucoup plus pour un autre affichant un faible kilométrage.
Car aussi curieux et inattendu que cela puisse paraître, la 300 ZX compte ses partisans inconditionnels, qui n’hésitent pas à mettre la main au portefeuille pour se l’offrir. Et comme tout ce qui est rare est cher, la cote reste soutenue. Dépenser ou investir les sommes citées reste toutefois décent et s’avère un gage de bonheur, celui des plaisirs simples en vogue dans les années 90.
Texte : Stany Meurer
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